Depuis le début de la crise sanitaire COVID-19, la Pastorale des Milieux ouverts (PMo, ou pastorale de la rue) de l’Église catholique romaine à Genève a bénéficié de nombreux gestes de solidarité particulièrement salutaires et importants en cette période de fragilité accrue pour les plus démunis. Cette mobilisation sans précédent a permis à la PMo d’élargir son dispositif d’aide pour accompagner et soutenir environ 400 personnes en situation de grande précarité.
« Grâce à la Chaîne du Bonheur, aux paroisses protestantes de Montbrillant et de la Servette ainsi qu’aux fidèles des paroisses catholiques de Sainte-Clotilde, de Saint-Paul, de Saint-Pie – X, de Sainte-Jeanne-de-Chantal, de la Communauté lusophone de Genève ainsi qu’aux nombreuses personnes qui ont fait acte de solidarité, la Pastorale des Milieux ouverts a pu être présente auprès des plus démunis pendant la crise du COVID », souligne Inès Calstas, sa responsable.
« Nous avons pu ouvrir quotidiennement un espace douche dans les locaux mis à disposition par la paroisse de la Servette et ouvrir un espace d’accueil gratuit et inconditionnel à la paroisse de Montbrillant. Son jardin était parfait pour offrir aux personnes en situation de précarité un cadre calme et protégé et dans le respect des mesures d’hygiène », poursuit l’assistante pastorale laïque.
Cet élan de solidarité s’est traduit par des dons en espèce, des bons d’achat, des vêtements, des colis de produits alimentaires et des dons de produits d’hygiène et pour les bébés, collectés et distribués par la PMo. De nombreuses personnes se sont aussi engagées bénévolement auprès de la Pastorale « Les gens ont vraiment senti le besoin de serrer les coudes en cette période. Je pense à une femme, restée sans travail à cause de la crise, qui a néanmoins choisi de nous soutenir pour aider ‘ceux qui sont dans un dénuement plus grand que le mien’. Beaucoup de personnes se sont senties responsables des autres, des plus fragiles », témoigne Inès Calstas.
A la PMo, les usagers sont mis en responsabilité, c’est à dire qu’ils participent au bon déroulement des activités. Trois après-midis par semaine, plusieurs occupations sont proposées : jardinage, atelier de couture pour la fabrication de masques en tissu au profit des plus démunis, cuisine, repas, accompagnement scolaire ou échange autour d’un café.
Fréquenter la PMo aide Valentin* « à tenir bon ». « Pendant ces mois de pandémie, nous nous sommes retrouvés comme une famille soudée. Que Dieu bénisse l’Église ! », s’exclame cet homme de 64 ans.
Carlos*, 53 ans, sorti de prison il y a peu, témoigne également d’un lieu de vie et de partage : « Quand je suis arrivé à Montbrillant, j’étais un peu perdu, il y avait beaucoup de monde. Ce qui m’a frappé et ce que j’ai aimé le plus c’est la manière dont Sarah, Amadou et Inès traitent les personnes. Ici, tous sont égaux, il n’y a pas de différence. En plus, dès le premier jour, je me suis senti utile, on a peint des placards. Je suis très reconnaissant pour les bons d’achat, ils m’ont permis d’acheter de la nourriture et d’aider la personne qui m’a accueilli chez elle. »
Madalina *a 22 ans. Cette maman d’une fille de 4 ans et demi est arrivée à Genève, il y a quelques années. « Au commencement, c’était pour mendier, mais très vite j’ai eu des petits boulots qui m’ont permis d’avoir un permis de séjour. Ce n’est pas toujours facile. Le coronavirus nous a replongés dans une grande pauvreté. Dans ce contexte difficile, je suis très contente de recevoir les bons d’achat, ils sont arrivés au bon moment. Justement quand on n’avait plus rien », explique la jeune femme.
Jean Philippe H*, Français de 52 ans, a étudié et travaillé en France et en Guadeloupe. Il est arrivé à Genève en janvier et loge actuellement à la caserne des Vernets. « Je viens à Montbrillant trois fois par semaine. J’ai reçu des bons d’achat. Ça m’a permis d’acheter des fruits et des légumes. C’est bien pour les indigents, car il permettent de se nourrir et de se mettre bien.»
« Je suis un bénéficiaire, mais ici — poursuit-il — je trouve la possibilité d’offrir un service qui est dédommagé. Je m’occupe du jardin et des alentours, pour qu’ils soient beaux pour les personnes qui viennent. Chacun a une tâche », précise-t-il. « Ces activités me motivent et m’aident à décompresser. Ici c’est l’Église, il n’y a pas de vols ou d’agressions. Il faut des structures comme celle-ci pour les personnes qui sont dans le besoin ».
Solange*, 39 ans, ivoirienne, a fui la pauvreté et une situation personnelle très difficile. Elle a traversé la mer pour arriver en Europe. Solange aimerait recevoir une réponse positive à sa demande en Suisse pour régulariser sa situation et reconstruire sa vie. « Il est difficile de trouver du travail quand on est sans-papier », explique-t-elle. Elle dort chez des amis. C’est Évelyne, de l’aumônerie de l’hôpital, devenue une amie, qui lui a parlé de la Pastorale des Milieux ouverts (PMo). « Ici, je me change les idées, on cause, parfois on rit pour faire passer le stress. Avec la crise du coronavirus, la situation est encore plus difficile. On reçoit de bons pour acheter de la nourriture et c’est très important de pouvoir faire des courses », explique la jeune femme. « Je suis contente de participer aux activités proposées par la PMo et notamment l’atelier de couture », insiste Solange.
Alpha*, 25 ans, de la Sierra Leone, est à Genève depuis sept ans. Il est en situation irrégulière. Il dort dans les parcs. Seul, il s’en sort grâce à « des petits boulots » et l’aide de l’Église, notamment celle de la PMo qu’il fréquente depuis quatre ans environ. « Aujourd’hui j’ai mangé ici. Nous sommes bien accueillis, on peut se reposer, se nourrir et ne pas se sentir seul. On collabore et on aide ». Mais il ne dispose pas d’un abri pour la nuit. « Il faut avoir un endroit pour dormir. Si on ne se repose pas, on n’est pas bien et on ne comprend plus rien, car on est fatigué. Tout être humain a besoin de 8 heures de sommeil par jour. Le sommeil c’est comme la nourriture. On ne peut pas en être privé si on veut vivre. C’est pour ça qu’un logement est vraiment important. »
Samuel*, 35 ans, est originaire de Papouasie. Il est arrivé en Suisse il y a de nombreuses années. Il fréquente la Pastorale des Milieux ouverts depuis le mois de janvier.
Depuis le début de la pandémie, il vient trois fois par semaine à Montbrillant. « Ça me fait du bien mentalement, je peux participer à des activités. C’est vraiment sympa et j’aimerais continuer à venir. Grâce aux bons d’achat à la Migros, je peux manger des choses saines, une salade par exemple. Je peux aussi boire un jus d’orange le matin et me faire du bien », dit-il, en confiant avoir un problème avec l’alcool.
« Depuis six ans je suis à la rue. J’ai commencé un parcours de réinsertion. Toutefois il y a trop de contraintes, alors que nous ne sommes pas des gamins. »
Pour Inès Calstas, l’élan de solidarité qui a permis à la PMo d’accompagner tant de personnes en cette période de crise est bénéfique à plus d’un titre : « Nous avons pu aider concrètement des centaines de personnes dans le besoin et c’est déjà très important. Mais au-delà, nous avons été portés par cet élan. La multitude des soutiens est également un exemple magnifique de collaboration. J’ai pu observer la naissance d’un nouveau réseau de solidarité et d’engagements ».
« De nouveaux partenariats ont vu le jour, des liens se sont créés et les personnes qui sont venues nous apporter des biens de première nécessité ont mieux pris connaissance de notre Pastorale. La plupart ont été touchées de voir que nos bénéficiaires sont des parties prenantes du projet, qu’ils participent à la mise en œuvre des initiatives et à la conduite des affaires. J’ai senti une volonté de construire une collaboration à long terme « , constate la responsable de la PMo.
*Prénom d’emprunt
SD&C, juin 2020
Images: ECR