Une femme aux commandes non pas d’une, mais de trois paroisses de l’Eglise catholique romaine, est-ce possible ? La réponse est oui. Comme c’est le cas depuis des années dans quelques paroisses du diocèse, mais cas unique à Genève, depuis la rentrée une agente pastorale laïque est répondante de paroisses. L’heureuse élue est Isabelle Hirt. Elle a été nommée répondante des trois paroisses de l’Unité pastorale (UP) Salève, dont l’abbé Gilbert Perritaz est l’administrateur à partir du 1er septembre. Isabelle Hirt nous éclaire sur ses nouvelles responsabilités.
Et après ça, est-ce que tu vas devenir pape ? » L’annonce de la nomination d’un laïc et qui plus est d’une femme au poste clé de répondante des trois paroisses de l’Unité pastorale (UP)* Salève a fait des vagues sur les rives du lac Léman et au-delà. Même ses proches ont réagi avec stupeur. « Alors que nous discutions de mes nouvelles fonctions, mon mari m’a demandé si je n’allais pas finir par devenir pape ! », confie Isabelle Hirt. Une boutade, certes, mais révélatrice.
Le nouveau mandat confié dès la rentrée à l’assistante pastorale a été perçu comme une belle montée en grade. Si depuis des années dans de nombreuses paroisses du diocèse, des assistants pastoraux laïcs sont répondants de paroisses – précise l’évêché- pour notre canton, il s’agit d’un cas unique.
A Genève, des agents pastoraux laïcs, et parmi eux de nombreuses femmes, assument déjà la responsabilité de services et aumôneries d’Eglise. En qualité de répondante des paroisses de l’UP Salève depuis le 1er septembre, Isabelle Hirt, 62 ans, diplômée de l’IFM**, assumera notamment la charge de la planification, de l’organisation et de la coordination des activités pastorales des paroisses, de l’UP et de leurs différents organes. Ces tâches étaient jusqu’ici assumées par le curé modérateur de l’UP. « Mais il ne s’agit en aucun cas pour moi de prendre la place du prêtre. Les rôles restent distincts », s’empresse de préciser l’assistante pastorale.
La réorganisation de l’UP a été décidée après le départ du curé modérateur de l’UP Salève, l’abbé Robert Truong. Ses diverses fonctions ont été partagées. Assistante pastorale pour l’UP Salève depuis 2014, Isabelle Hirt connaît bien la communauté et reprend les tâches de l’organisation pastorale. La célébration des messes ou encore l’administration des sacrements sont confiées à l’abbé Jean-Paul Maomou, jeune prêtre nouvellement arrivé de Guinée Conakry et nommé vicaire, et à l’abbé Gilbert Perritaz, nommé curé administrateur de l’UP Salève. Déjà curé administrateur de l’UP Carouge-Acacias, ce dernier assume dès la rentrée, la responsabilité canonique des deux unités.
INTERVIEW D’ISABELLE HIRT
Isabelle Hirt: Je n’ai pas prêté beaucoup d’attention aux réseaux sociaux, mais les réactions sont surtout positives. Durant plusieurs mois, avec l’abbé Truong nous avons expliqué à nos communautés les changements qui allaient intervenir après son départ et avec ma nomination.
Je n’ai pratiquement eu que des félicitations et des messages de confiance. Je me sens vraiment soutenue par les fidèles de l’UP. Je fais partie de cette famille chrétienne depuis l’âge de 15 ans. J’ai été membre d’un groupe scout, bénévole en catéchèse et je suis assistante pastorale de l’UP depuis cinq ans. Je crois que les paroissiens n’ont pas été effrayés par le changement car ils me connaissent.
Après l’annonce de ma nomination, j’ai surtout modéré quelques enthousiasmes excessifs ! Un paroissien m’a dit : C’est extraordinaire tu vas pouvoir célébrer le mariage de ma fille ! Comme lui, plusieurs personnes qui connaissent mal l’organisation des paroisses ont hâtivement imaginé que, puisque je reprenais des tâches du curé, j’allais célébrer la messe et les sacrements ! Mais le travail du prêtre responsable ne se limite pas aux célébrations. Il est bien plus vaste. Mon mandat permettra de soulager le curé administrateur de plusieurs tâches et permettra à l’abbé Maomou qui arrive en Suisse de prendre le temps de connaître l’Eglise locale et son fonctionnement.
Isabelle Hirt: Je crois qu’elle résulte surtout d’un concours de circonstances, dont l’arrivée de l’abbé Maomou, un prêtre jeune, qui ne connaît pas encore notre culture et qui ne pouvait pas être nommé curé.
L’idée de départ était de créer une plus grande Unité pastorale, en réunissant les UP Salève et Carouge-Acacias. Mais le projet n’a pas encore abouti et il a fallu trouver une autre solution. C’est une grande responsabilité. Avec l’abbé Perritaz nous y travaillons depuis des mois déjà.
Si cette expérience aboutit à de belles choses, elle pourra peut-être perdurer et être réitérée ailleurs. Le manque de prêtres est une réalité et des réponses doivent être trouvées. (Sba- CP)
*’Une Unité pastorale est un ensemble de paroisses voisines réunies
**Institut de formation aux ministères
L’Eglise doit-elle faire plus de place aux femmes ?
Isabelle Hirt: Je pense que l’Eglise serait vraiment gagnante en faisant plus de place aux femmes, dans une vraie altérité, une vraie collaboration où chacun a sa place et où personne ne revendique la place de l’autre. Mais je n’ai pas un tempérament combatif.
Personnellement, même si cela avait été permis, je n’ai jamais eu la vocation de devenir prêtre.
Je crois que les femmes ont énormément de choses à apporter et je crois aux vertus d’une collaboration dans la vérité et l’altérité, sans faire un faux-curé, par des gestes et des paroles qui ne sont pas du mimétisme, mais qui nous appartiennent. Je célèbre des absoutes (dernier adieu). Ce n’est pas un sacrement, mais je ne me sens pas limitée pour autant.
Déjà aujourd’hui, en tant que femmes nous avons d’autres choses à apporter qui sont tout aussi belles, importantes, aidantes. Peut-être qu’un jour cela changera et que les femmes auront accès à d’autres fonctions.
UP SALEVE : QUELS CHANGEMENTS ?
Paru dans le Courrier pastoral septembre 2019