Se dire oui pour la vie au nom de l’amour. Quel beau projet que celui du mariage ! Mais comment s’y préparer ? Pour les couples qui souhaitent prendre cet engagement devant Dieu, l’Église catholique propose des parcours pour échanger sur différents aspects du sacrement du mariage et de la vie à deux. Loin d’un cours de catéchisme « express », les parcours conçus par la Pastorale familiale proposent aux futurs époux des animations, des espaces de réflexion individuelle, de dialogue, des interpellations de foi et des découvertes. Les rencontres se déroulent en groupe et sont animées par un couple et un agent pastoral de l’Église, prêtre ou laïc. Mariés, Catherine et Bernard Bucher animent des parcours depuis dix ans : « Une expérience à chaque fois différente ! » témoignent-ils. Nous les avons rencontrés en présence de l’abbé Philippe Matthey, qui accompagne plusieurs sessions de préparation au sacrement du mariage.
« Parfois, nous leur jouons un sketch sur une dispute, une crise. Ou nous les provoquons en leur disant que nous faisons ménage à trois ! Avant d’expliquer que nous avons Dieu avec nous et qu’il nous aide à tenir ». Catherine et Bernard Bucher décrivent avec enthousiasme les sessions de préparation au mariage qu’ils animent ensemble depuis dix ans. Un engagement bénévole en collaboration avec la Pastorale familiale de l’Église catholique à Genève. Chaque année une trentaine de sessions en groupe se déroulent dans tout le canton. Comme Catherine et Bernard, d’autres couples mariés et formés fonctionnent comme animateurs d’une ou plusieurs sessions. Chaque session est un défi et un effort, mais la récompense est garantie : à la base, « nous parlons avant tout d’amour et c’est très nourrissant pour notre couple », déclarent Catherine et Bernard, complices avec 37 ans de mariage au compteur ! « Depuis notre naissance, nous avons plus de vie en commun que de vie sans l’autre », remarque Bernard. Mais ce couple d’animateurs ne prétend surtout pas s’ériger en modèle, tout comme l’Église qui ne se targue pas de livrer les « règles du mariage parfait » aux futurs époux.
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L’Église identifie quatre piliers du mariage : liberté du consentement, fidélité de l’engagement, indissolubilité du lien et fécondité de l’amour. Elle demande aux couples qui souhaitent se marier de préparer cet engagement en vivant un temps fort. À cette fin, la Pastorale familiale a élaboré un module d’environ 10 heures pour permettre aux futurs époux de réfléchir aux différents enjeux du mariage et à sa dimension sacrée pour l’Église. Le parcours permet d’aborder cinq grands chapitres, explique l’abbé Philippe Matthey, curé de la paroisse du Grand-Lancy et engagé dans la Pastorale familiale : La rencontre et la connaissance de l’autre, avec l’histoire de l’autre, l’héritage familial et en toile de fond la question : « Qu’est-ce qui fait que l’on a envie de vivre toute la vie ensemble ? »
La vie du couple ou comment assumer et vivre les différences, dans le mode de fonctionnement et le quotidien. L’affectivité, la sexualité et la fécondité, car « dans la rencontre des autres nous partageons beaucoup de choses : des paroles, des loisirs, des activités. Nous le faisons avec des amis, des voisins… La rencontre du corps est, par contre, exclusive au couple. C’est dans ce cadre que nous abordons la sexualité », clarifie l’abbé Matthey.
La perception de Dieu et de l‘Eglise, l’amour comme don, pour entrer dans cet amour plus grand que l’amour mutuel. « Car l’alliance des époux fait partie d’une plus grande alliance », celle de Dieu et de l’humanité. La signification symbolique du sacrement du mariage « au vrai sens du mot symbolique », précise l’abbé Matthey. « La réalité de notre amour et de l’amour de Dieu pour nous ont besoin d’un langage pour se dire. Le sacrement est le langage de Dieu avec les hommes ».
Les rencontres sont préparées et animées par un couple-animateur et un agent pastoral, prêtre ou laïc. « Ce trio est très important. De nombreux couples qui nous contactent sont souvent éloignés de l’Église. Nous leur proposons une expérience de vie d’Église, qui ne se résume pas au curé tout seul, ou à un agent pastoral formé, mais qui est une communauté. Le trio des animateurs permet aux couples de rencontrer l’Église de façon diverse et complémentaire, avec des témoins de deux types d’engagement pour la vie au nom de l’amour », précise Philippe Matthey. Et il est faux de dire que les prêtres ne connaissent forcément rien au mariage, insiste-t-il : « en tant que prêtre, je ne suis pas marié, mais c’est moi qui vit le plus souvent les mariages, dans leur préparation et leur célébration ! Et je suis fils de mes parents».
Mais comment se déroule une session de préparation au mariage ? Chaque couple s’inscrit à un parcours, en week-end ou en soirées. La session comprend en principe un maximum de sept couples. « De nombreux couples se disent non pratiquants, mais avec ce parcours ils découvrent une autre Eglise, une Eglise vivante. Notre défi est d’établir une bonne dynamique. Dès le départ, nous précisons que nous ne donnons pas un cours, mais que nous témoignons de ce que nous vivons », explique Catherine. Les séances n’ont rien d’une leçon du haut de la chaire face à un public passif. « Tout au long des rencontres, nous partageons sur leur histoire, les raisons du mariage, la vision de l’avenir, les valeurs, par des jeux, des animations et des discussions. C’est une occasion d’échanger et de mieux se connaître », résume Bernard. Tout le monde s’implique et pour l’abbé Matthey, « ce qui est très beau est que nous sommes témoins de l’amour de ces couples! »
Catherine et Bernard se sont connus très jeunes lors de leur apprentissage dans une banque et ont un bon souvenir de leur propre préparation au mariage, avec l’abbé Giovanni Fognini, alors curé de la Paroisse SaintAntoine de Padoue. « Il nous a taquinés avec une question : pourquoi voulez-vous vous marier à l’Église ? Nos belles réponses sur notre désir de confier notre amour à Dieu ne lui suffisaient pas, et c’est seulement le jour où nous lui avons répondu que nous voulions faire une fête avec notre famille et nos amis qu’il a validé notre réponse! Nous avons alors compris que l’Église c’est « faire communauté ». Cela faisait sens pour moi », se souvient Bernard. Aujourd’hui, Catherine et Bernard n’hésitent pas à susciter le questionnement chez fiancés.
Ils demandent par exemple aux couples leurs trucs pour éviter les crises ou en sortir, ou d’apporter un objet qui symbolise leur amour et d’en parler, ou encore de choisir une phrase ou une image parmi plusieurs propositions pour illustrer leur couple. « Les discussions sont riches et touchantes. Lorsqu’on demande aux hommes et aux femmes de se dire mutuellement ce qu’ils admirent chez l’autre, nous voyons des yeux qui brillent ! L’amour de ces couples irradie la salle » témoigne Bernard. « Nous les interrogeons sur ce qui nourrit leur couple et nous expliquons que les parcours de préparation au mariage que nous animons sont pour nous une nourriture », lui fait écho Catherine.
« Souvent, les couples sont surpris et ravis par le parcours. Ils nous disent qu’ils s’attendaient à plus de ‘bondieuseries’. Plusieurs participants nous ont même demandé si des couples ne voulant pas se marier à l’Église pouvaient suivre les cours », expliquent les animateurs. Paradoxalement, Catherine et Bernard perçoivent également une certaine soif pour plus de spiritualité dans les sessions : « comme si les participants, souvent éloignés de l’Église, avaient l’impression que c’est l’occasion ou jamais d’en savoir plus sur Dieu ». « Une question récurrente concerne la présence divine : comment être sûr que Dieu existe et que son amour existe ? Je n’ai pas la réponse », avoue Bernard, « mais je les invite à se demander comment ils peuvent être certains que l’autre les aime. Nous ne sommes jamais sûrs, mais pouvons en être intimement convaincus. Comme pour le vent : nous ne le voyons pas, mais nous en percevons les effets. Sans en faire une leçon, nous proposons des textes bibliques en lien avec les questions abordées ».
C’est par l’expression de leur consentement que les conjoints contractent le lien sacramentel du mariage. « Nous leur expliquons qu’ils doivent préparer un texte pour exprimer leur engagement envers l’autre. Parfois, c’est un peu la panique et nous les aidons avec des pistes, des suggestions », confie Bernard. Ce sont les prêtres qui cueillent les fruits de ce travail lors des célébrations du mariage et « nous sommes souvent éblouis de ce que les couples se déclarent », souligne l’abbé Matthey.
En plus de leur expérience de vie commune et d’animateurs, Catherine et Bernard, parents de deux fils et déjà grands-parents, disposent d’un canevas de parcours et de nombreuses occasions d’échanges et de réflexions organisées par la Pastorale familiale pour tous les animateurs. Des rencontres sont ainsi régulièrement proposées au niveau de l’Unité pastorale, avec des débriefings, mais aussi au niveau du Canton ou de la Suisse romande ainsi que des retraites avec des intervenants. Toujours fous amoureux l’un de l’autre, Catherine et Bernard affirment l’être un peu plus au terme de chaque session. « Nous sommes conscients qu’en peu de jours il est impossible de répondre à toutes les questions. Mais le moment le plus important des préparations au mariage se vit probablement après les séances, quand les couples rentrent chez eux et en parlent ensemble », observe le couple. « Nous sommes vraiment dans la pastorale de l’engendrement. Nous sommes présents non pas pour semer nous-mêmes, mais pour rendre attentifs à ce qui est en train de naître», conclut Philippe Matthey.
Paru das le Courrier pastoral – février 2018