L’abbé Alain-René s’exprime sur la posture lors de la prière chrétienne et les différences entre la démarche des chrétiens et des musulmans.
Les chrétiens prient en tant qu’enfants de Dieu, c’est pourquoi ils entrent ainsi dans un dialogue intime, cœur à cœur avec le Père le Fils, dans l’Esprit.
La prière des psaumes permet d’exprimer librement tous les sentiments humains afin d’atteindre une véritable confiance en la bienveillance du Père. Ainsi, la parole biblique, inspiratrice essentielle de la prière chrétienne, constitue un ressourcement éthique permanent qui influe sur les attitudes quotidiennes du croyant.
Il faut savoir que cette démarche de filialité représente un péché gravissime selon l’islam : en effet, pour la tradition coranique, Allah ne peut être ‘’père’’. Allah ne cherche pas à être en relation avec les humains, il leur dicte ses injonctions.
Il préside à tout ce qui advient, le bien comme le mal. C’est le mektoub. Allah n’est pas le Dieu de l’alliance. Et donc lorsque les chrétiens s’adressent au Dieu de la Bible en y associant un Fils unique appelé Jésus, cette transgression constitue la plus grave offense à la transcendance : le shirk. C’est bien à partir de cette attitude chrétienne de filialité unie à Jésus que la doctrine islamique accuse les chrétiens d’être des ‘’associateurs’’, qui doivent être éliminés, avec les polythéistes, les athées et autres mécréants.
Le Coran signifie ‘’récitation’’. C’est la parole d’Allah incarnée dans LE livre incréé et donc intouchable. Or le coran demande aux musulmans : ‘’Acquittez-vous de la prière’’, la salat, un des piliers de l’islam, rite prescrit cinq fois par jour.
Ici, pas de communication en tant que telle avec Dieu, mais exécution rituelle d’un ordre divin. La première sourate, la fatiha, s’adresse à Allah pour le remercier du fait que les musulmans sont en accord avec sa volonté, alors que les juifs et les chrétiens méritent sa colère et sont de ce fait dénoncés puisque impies.
L’attitude courante – en dehors des prosternations – est pour le musulman de tenir ses mains paumes ouvertes vers le haut à hauteur de l’abdomen. Ce qui évoque surtout la perspective terrestre de cette religion. C’est aussi l’image de la soumission à Allah et à tout ce qui peut arriver en bien ou en mal dans la vie quotidienne.
Il n’est pas logique que les catholiques imitent cette posture, comme on le constate souvent. La position du priant dans la tradition biblique est essentiellement la tenue debout avec les mains levée vers le ciel, à hauteur du visage. Comme pour demander au Dieu de la relation d’alliance qu’il accorde au croyant l’harmonisation entre la pensée et l’action. Les mains sont à la verticale, en sigle d’accueil comme pour capteur les messages du monde à venir.
Il est surprenant de constater que, dans les assemblées liturgiques, beaucoup de chrétiens se mis à prier de manière islamique, les mains paumes ouvertes horizontales à hauteur du ventre, au lieu de les lever vers le ciel, à la verticale, le long du visage, conformément à la tradition plurimillénaire de l’orant. Il suffit de méditer les textes bibliques ou d’admirer l’iconographie ancienne pour prendre la mesure de regrettable dérive.
Quelques exemples parmi d’autres dans la Bible hébraïque :
Exode 9.29 : Je lèverai mes mains vers l’Éternel !
Exode 17.11 : Lorsque Moïse élevait les mains, Israël était le plus fort.
Néhémie 8.6 :Tout le peuple, levant les mains s’écriait amen !
Isaïe 1.15 : Quand vous levez vos bras pour la prière
Lamentations de Jérémie : Élevons nos cœurs et nos mains vers le Seigneur.
De nombreux psaumes rappellent cette posture de prière :
Psaume 28.2 : J’élève les mains vers ton sanctuaire.
Psaume 141.2 : Que ma prière monte vers toi Seigneur comme l’encens, et que mes mains se lèvent comme l’offrande du soir.
L’apôtre Paul lui-même demande, dans son épître, de lever les mains vers le ciel. Non seulement les catacombes de Rome avec leurs symboles funéraires illustrent bien ces attitudes bibliques, mais des textes anciens précisent que dans les déserts d’Égypte, les anachorètes chrétiens du 1er siècle priaient ainsi :
‘’le samedi soir, le moine Arsène debout tendait les mains vers le ciel en priant jusqu’à ce que le soleil se lève devant lui. Alors seulement il s’asseyait.’’
Les mains élevées vers le ciel expriment bien la réceptivité à la Parole de Dieu et le désir d’unir en fonction de celle-ci le mental et l’activité. Pour l’islam, l’approche est différente. Quelles que soient les prières, Allah reste dans sa sphère immuable et hors d’atteinte. Pour le chrétien, fidèle à toute la tradition biblique, celui ou celle qui prie est convaincu que tout en étant transcendant, Dieu l’écoute et parle à son cœur. Le croyant a conscience que Dieu veut établir en lui sa demeure, dans une relation bienfaisante, afin de faire émerger en lui un être nouveau. Ce n’est pas seulement le croyant qui prie son Dieu, c’est Dieu qui prie le croyant d’accueillir sa présence pour la rayonner dans toute sa vie.
Abbé Alain René Arbez