C’est en 1974, au festival de Cannes que le prix du jury œcuménique fut créé. Depuis, cette distinction à vocation spirituelle n’a cessé d’étendre sa présence et on le retrouve désormais dans quasiment tous les festivals de cinéma de la planète.
A l’ère d’une laïcité parfois obsessionnelle, il est rassurant de constater la pérennité d’un prix, d’une présence visant à récompenser un film en fonction de ses valeurs spirituelles et, désormais interreligieuses. En effet, si le jury est majoritairement composé de chrétien, il récompense des œuvres venant de tous les horizons. Au fil du temps, les films récompensés ne sont en aucune façon « religieux », mais tente plutôt de déceler des histoires qui montrent des hommes et des femmes en prise avec la réalité de la vie, la souffrance, la joie. Il s’agit de récompenser un travail de réflexion sur la société, nos relations et ce qui impact nos existences.
Lelouch, Tarkovsky, Bresson mais également les Japonais Hamagushi et Kawase, la libanaise Labaki, le mauritanien Sissako parmi tant d’autre reçurent le prix du jury œcuménique, montrant ainsi la dimension universelle de cette distinction sans frontière.
En 2022, en compétition officielle à Cannes, c’est le film du sud-coréen Hirokazu Kore-Eda, Les Bonnes étoiles, qui reçoit le prix. A Locarno, en 2021, le suisse Lorenz Merz remporte le trophée avec Soul of a beast, hommage au médium cinématographique et une histoire courageuse pleine d’âme, incarnée par des jeunes. Le film entraîne le spectateur dans un voyage fiévreux en héros qui commence dans la Langstrasse de Zurich et lui fait voir le monde à travers les yeux bleus profonds de Gabriel.
Un prix qui récompense la vision intérieure, les valeurs universelles, la réflexion et les rapports humains apporte un peu de foi dans un monde sous tension dont le cinéma se fait naturellement l’écho. Une sorte d’éloge de la lenteur et de l’âme.
En 1995, à l’occasion de la célébration des 100 ans du cinéma, Jean-Paul II réunit une commission visant à sélectionner les 45 films les plus importants du cinéma. Le pape a déclaré que, depuis les premiers films créés par les frères Lumière en 1895, le cinéma avait un impact profond sur le développement des relations et des préférences humaines, il avait une capacité merveilleuse à influencer l’opinion publique et la culture, quelles que soient les frontières sociales et politiques. Le pape a également noté que beaucoup de chefs-d’œuvre cinématographiques avaient été créés pendant les cent premières années du cinéma.
Une église moderne est donc réceptive au cinéma et s’est une bonne nouvelle. On retrouve dans cette liste des films tels que : 2001, l’Odyssée de l’espace (1968 Stanley Kubrick), Nosferatu le vampire (1922 Murnau), Ben-Hur (1959 William Wyler) pour n’en citer que quelques-uns qui pourraient paraître étonnant en termes de choix pour le Vatican.