Dans le cadre du vaste projet Salomon 2024 « Question de justice », deux soirées, le 29 février et le 6 mars 2024, abordent la thématique des (in) visibles en donnant la parole à des personnes (ex) prisonnières, requérantes d’asile ou sans statut officiel. Pour en savoir plus, nous en avons parlé avec Virginie Hours, responsable catholique de l’AGORA.
Virginie Hours (VH): Le projet se propose d’explorer la thématique de la justice aujourd’hui à la lumière du récit biblique du jugement du roi Salomon, appelé à rendre justice à deux femmes qui revendiquent chacune la maternité du même enfant. Pour se faire, le projet explore des sujets éthiques, théologiques et spirituels par le biais d’une pièce de théâtre “ CRI ! Le Jugement de Salomon », en cours de création, et, depuis l’automne 2023 et durant l’année 2024, des ateliers variés, des animations ou encore des spectacles sur différents thèmes : ceux de la justice, du pouvoir, de la parole, du mensonge, de la vérité, de la fragilité de la vie, du don, des exclus…
Les deux soirées du 29 février et du 6 mars prochains sur la thématique des (in) visibles sont organisées dans ce cadre par l’Espace Solidaire Pâquis, l’Aumônerie Œcuménique des prisons et l’Agora (Aumônerie Genevoise Œcuménique auprès des Requérants d’asile et des Réfugiés).
(VH): Dans le récit biblique, Salomon, à la tête du royaume d’Israël, tranche le litige opposant deux femmes en les écoutant, en leur donnant la parole. Dès lors, nous avons réfléchi à ce qui passe pour les personnes qui n’ont pas accès à cette parole ? Quelle est la condition de ceux et celles qui ne sont pas audibles ou visibles dans notre société ? L’écoute a été ainsi notre fil conducteur.
Les personnes en situation de rupture ou irrégulière qui fréquentent l’espace Pâquis, les demandeurs d’asile qui viennent à l’ AGORA ou les personnes détenues ont des profils et des parcours différents et vivent des situations spécifiques, mais il y a un dénominateur commun : elles partagent une certaine exclusion et une difficulté à se faire entendre. Elles se sentent invisibles, car elles n’ont pas accès à la parole et à l’écoute, d’où le titre des deux soirées « Les invisibles de la société ».
(VH): Les soirées souhaitent inviter le public à entendre comment l’histoire de Salomon résonne dans la vie particulière de certains. La démarche intègre l’expérience conduite par l’Aumônerie Œcuménique des prisons qui a organisé des ateliers de la parole au cœur de la prison avec les personnes détenues autour du texte de Salomon. Ces prises de parole, dans le respect des participants aux ateliers, sera reprise dans le déroulé des deux soirées. Des ex détenus prendront ainsi la parole, ainsi que des requérants d’asile et des personnes en situation irrégulières. Il y aura aussi des lectures, des moments de musique et de la danse. Les témoignages sur la visibilité convoquent en effet les sens de l’ouïe et de la vue.
(VH): Que l’écoute est puissante ! L’écoute agit. La personne dont la parole est écoutée redevient visible et donc existe pour celui qui l’écoute et pour elle-même, en réappropriant de sa propre histoire pour la formuler et la partager. La prise de parole et l’écoute contribuent à la justice et la dignité.
(VH): La construction de ces deux soirées a été l’occasion d’une vaste collaboration pour porter ensemble la voix de ceux qui n’en ont pas. A 70 ans de l’appel de l’abbé Pierre du 1er février 1954 qui a donné naissance à l’Insurrection de la bonté et une vaste visibilité au drame des sans-abris en France, la question des invisibles est toujours d’actualité. Depuis cet appel, beaucoup a été fait et de nombreuses associations sont nées pour soutenir les personnes en marge de la société. Mais il y a de nouvelles situations qui condamnent à une forme d’invisibilité. Je pense notamment aux personnes déboutées de l’asile et à l’aide d’urgence ou au fait qu’à Genève des requérants d’asile sont à nouveau logés dans des abris de la protection civile et donc sous terre, loin des regards. D’où l’importance de donner la parole aux personnes concernées par l’invisibilité sociale !
(VH) : Deux lieux symboliques et qui ont du sens accueillent les deux soirées:. Il s’agit en effet de l’Espace Madeleine, avec les vitraux de José Venturelli inspirés de la thématique des droits humains, et du Temple de la Servette, en lien avec l’Espace Solidaire Pâquis, un espace d’accueil de toute personne en rupture momentanée, migrante ou sans domicile fixe. Le dessin de l’affiche de ce projet a par ailleurs été réalisé par une personne qui fréquente l’Espace Solidaire Pâquis.
Lors des deux soirées, les témoignages seront différents. On peut donc venir aux deux sans courir le risque de voir la même chose !
SD&C-ECR, février 2024
LES INVISIBLES DE LA SOCIÉTÉ
Jeudi 29 février 2024 de 20 h à 21 h 30
au Temple de la Servette – avenue Wendt 55, 1203 Genève
Mercredi 6 mars 2024 de 20 h à 21 h 30
au Temple de la Madeleine, rue de la Madeleine 15, 1204 Genève
Entrée libre — chapeau à la sortie.
Plus d’information
Crédit : image invisibles de la société : Unsplash
Virginie Hours
Responsable catholique de l'aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d'asile et des réfugiés (AGORA)