Nous entrons dans le temps du carême. C’est une période d’approfondissement spirituel pour vivre Pâques dans son sens plénier. Lorsqu’on voit combien les jeunes sportifs accordent d’importance à leur entraînement, on saisit mieux par analogie l’étape du carême comme remise en forme de la foi, comme concentration sur l’objectif à atteindre par un recentrage de notre relation à Dieu.
Certes, l’impact du carême est certainement moins perceptible dans notre société laïcisée et pluraliste d’aujourd’hui qu’il ne l’a été dans le passé.
En effet, si les médias nous parlent abondamment du ramadan et de son abstention d’aliments durant la seule journée, si quelquefois ils nous montrent des reportages sur le jeûne rituel de moines bouddhistes voulant renforcer leur être intérieur par la méditation, plus rarement on nous présentera le sens du jeûne et de la pénitence dans la tradition biblique : le yom kippour du judaïsme, avec sa pénitence et son souci de réconciliation, et le carême chrétien qui nous invite également à nous recentrer sur l’essentiel de notre relation au Dieu de l’Alliance.
Le carême a peut-être perdu sa visibilité mais il n’a rien perdu de sa pertinence pour celles et ceux qui cherchent à vivre ce temps privilégié associé à la plus grande fête : la Résurrection du Christ.
Rappelons que le mot « carême » (quadragesima) veut dire quarantième jour, c’est-à-dire Pâques. Le mercredi des cendres rappelle que notre vie sur terre n’est qu’un itinéraire préparatoire, avec un début et une fin : « souviens-toi que tu es poussière ! » Lors de la veillée pascale, est célébrée dans la lumière du Ressuscité la destinée humaine en communion avec Dieu.
Carême : 40. Le chiffre quarante, dans la Bible, est un symbole positif, un signe de victoire. Jésus a jeûné quarante jours au désert avant de se lancer dans sa mission d’ultime porte-parole du règne de Dieu. Mais avant lui, Moïse et Elie avaient jeûné eux aussi quarante jours en faisant route vers la sainte montagne de la rencontre avec Dieu. Sorti d’Egypte, le peuple de Dieu a pérégriné quarante ans dans le désert avant de gagner la terre promise.
En 2020, le carême invite comme chaque année à se concentrer sur l’essentiel, la victoire du Christ sur le mal et la mort, la manifestation de l’amour invincible. Se approcher de la vraie liberté telle que Dieu nous l’offre ne se fait pas sans dessaisissement de nos égoïsmes, par la prière, le partage, le jeûne, comme Jésus le rappelle en droite ligne avec la tradition d’Israël. Ressentir notre fragilité devant Dieu, c’est être plus conscients de nos limites et de nos capacités, c’est purifier notre personnalité de ses faux semblants et des besoins factices qui l’encombrent trop souvent.
Le carême est donc à vivre comme un temps de clarification bienfaisante, en lien avec la Parole de Dieu et le sacrement de réconciliation. On est parfois son pire ennemi en s’obstinant sur des voies sans issue ou dans des comportements déviés du véritable objectif de vie.
Plus qu’un effort volontariste, c’est essentiellement un acte de confiance en Dieu qui est proposé. Décloisonner notre existence, réconcilier le spirituel avec le concret des activités quotidiennes, nous délester de ce qui alourdit notre marche en avant, c’est le défi libérateur qu’offre le temps du carême.
En réduisant notre consommation, en laissant de côté nos divertissements futiles, en simplifiant notre mode de vie, nous serons plus réceptifs et plus aptes au partage qui fait le lien entre notre rapprochement de Dieu et notre réelle attention aux autres.
Vivre ce carême personnellement, c’est aussi le vivre en communauté, en Eglise, et pour être fortifiés de l’intérieur.
Il vaut la peine d’accueillir ce temps d’avant-Pâques, dans la générosité et dans la joie, car si Dieu nous aime, c’est sans relâche qu’il nous encourage à aimer!
Abbé Alain René Arbez, mars 2020
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