Thomas d’Aquin est un théologien italien du 13e siècle. Il est le Docteur de l’Eglise qui a le plus influencé le catéchisme de l’Eglise catholique tel que nous le connaissons aujourd’hui. Découvrez dans cette article les éléments principaux de sa biographie et de son oeuvre.
Né en Italie au début du 13e siècle, Thomas d’Aquin doit son nom, au village d’Aquino, en Italie, dans le royaume de Sicile. Il est issu d’une grande famille lombarde. Le jeune garçon passe son enfance à l’abbaye bénédictine du Mont-Cassin, où les frères lui enseignent les bases de l’enseignement religieux. Thomas part ensuite à Naples pour poursuivre ses études. Malgré les réticences de sa famille, il entre dans l’ordre des dominicains à 19 ans.
Sa rencontre avec Albert le Grand, dominicain et théologien célèbres pour ses commentaires d’Aristote, est décisive. Thomas d’Aquin suit son maître à Cologne. Il est surnommé le « bœuf muet », à cause de sa carrure imposante et de son caractère taciturne. Les écrits relatent cependant qu’il était très fraternel et ses frères appréciaient sa gentillesse. Le théologien se spécialise dans les « Questions disputées », une technique d’enseignement et de recherche universitaire de l’époque qui consiste à débattre par écrit de questions théologiques.
Il enseigne par la suite en Italie à Orvieto, avant d’être envoyé à Rome pour former les jeunes dominicains. C’est à ce moment de sa vie qu’il commence la célèbre « Somme de Théologie », œuvre majeure de théologie sur la foi catholique.
Entre 1268 et 1272, Thomas d’Aquin séjourne à Paris, ville alors en pleine effervescence intellectuelle. En effet, la propagation de l’aristotélisme, interprétations de la pensée du philosophe grec Aristote, suscite des débats. Il revient ensuite en Italie pour la formation des jeunes dominicains.
Le 6 décembre 1273, il vit une expérience exceptionnelle au cours de la messe. Cet épisode le bouleverse et il cesse dès lors d’écrire, car en comparaison de Dieu, tout ce qu’il a écrit lui parât être « tout ce que j’ai écrit, c’est comme de la paille ». Malade, il meurt en route pour le Concile de Lyon convoqué par le pape Grégoire X en 1274, à 49 ans.
Sa dépouille est transférée aux Jacobin, à Toulouse, en France, en 1369, où on peut toujours aller se recueillir. Cependant la relique de sa main droite est conservée à Salerne, en Italie, celle de son crâne est à Priverno, et l’une de ses côtes est vénérée dans la basilique-cathédrale d’Aquino.
Les œuvres écrites de Thomas d’Aquin se fondent principalement sur des interprétations de la philosophie d’Aristote. Il a cherché à montrer que la théologie naturelle, celle qui peut être fondée sur une étude rationnelle de la Nature, est différente de la théologie révélée, elle-même basée sur la doctrine de la foi.
Thomas d’Aquin est surnommé le « Docteur angélique » pour son rayonnement spirituel inégalé.
On connait notamment de Thomas d’Aquin les cinq « preuves » de l’existence de Dieu. Cependant, il faut souligner que ces preuves ne démontrent en aucun cas la foi comme une croyance rationnelle, ce qui serait contradictoire. Les cinq « preuves » semblent être davantage des « signes » que Dieu existe. Elle ne peuvent pas convertir une personne à la foi catholique par elles seules, la foi étant un don de Dieu, qui nécessite un saut vers le Mystère.
Vous pouvez retrouver ici l’explication de ces cinq voies pour prouver l’existence de Dieu.
Thomas d’Aquin est aussi célèbre pour sa Somme de Théologie, oeuvre majeure qui a influencé l’évolution du catéchisme de l’Eglise catholique tel que nous le connaissons aujourd’hui. La méthode de rédaction de cet ouvrage est scolaire, claire, articulant les idées dans une suite logique. Pour chaque question de foi, Thomas d’Aquin commence par répondre par les arguments en faveur de la mauvaise réponse, il répond, puis répond aux contre-arguments. Un chatGPT version 13e siècle, en somme.
L’œuvre se compose de trois parties, dont la 2e est elle-même en deux parties :
Voici un exemple d’une question tirée de la première partie :
Article 1 — L’existence de Dieu est-elle évidente par elle-même ?
Objections :
- Nous disons évident ce dont la connaissance est en nous naturellement, comme c’est le cas des premiers principes. Or, dit Jean Damascène au début de son livre, “ la connaissance de l’existence de Dieu est naturellement infuse dans tout être ”. Il y a donc là une évidence.
- On déclare encore évidentes les propositions dont la vérité apparaît dès que les termes en sont connus, comme le Philosophe le dit des premiers principes de la démonstration dans ses Derniers Analytiques. Dès qu’on sait, par exemple, ce que sont le tout et la partie, on sait que le tout est toujours plus grand que sa partie. Or, dès qu’on a compris ce que signifie ce mot : Dieu, aussitôt on sait que Dieu existe. En effet, ce mot signifie un être tel qu’on ne peut en concevoir de plus grand ; or, ce qui existe à la fois dans la réalité et dans l’esprit est plus grand que ce qui existe uniquement dans l’esprit. Donc, puisque, le mot étant compris, Dieu est dans l’esprit, on sait du même coup qu’il est dans la réalité. L’existence de Dieu est donc évidente.
- Il est évident que la vérité existe, car celui qui nie que la vérité existe concède par le fait même qu’elle existe ; car si la vérité n’existe pas, ceci du moins est vrai : que la vérité n’existe pas. Or, si quelque chose est vrai, la vérité existe. Or Dieu est la vérité même, selon ce que dit Jésus en Jean (14, 6) : “ Je suis la voie, la vérité et la vie. ” Donc l’existence de Dieu est évidente.
En sens contraire, personne ne peut penser l’opposé d’une vérité évidente, comme le prouve le Philosophe en ce qui concerne les premiers principes de la démonstration. Or, on peut penser le contraire de cette proposition : Dieu existe, puisque, d’après le psaume (53, 1), “ L’insensé a dit dans son cœur : il n’y a pas de Dieu. ” Donc l’existence de Dieu n’est pas évidente par elle-même.
Réponse :
Une chose peut être évidente de deux façons : soit en elle-même, mais non pas pour nous ; soit à la fois en elle-même et pour nous. En effet, une proposition est évidente par elle-même du fait que le prédicat y est inclus dans l’idée du sujet, comme lorsqu’on dit : L’homme est un animal ; car l’animalité fait partie de l’idée d’homme. Si donc la définition du sujet et celle du prédicat sont connues de tous, cette proposition sera évidente pour tous. C’est ce qui a lieu pour les premiers principes de la démonstration, dont les termes sont trop généraux pour que personne puisse les ignorer, comme être et non-être, tout et partie, etc. Mais s’il arrive chez quelqu’un que la définition du prédicat et celle du sujet soient ignorées, la proposition sera évidente de soi ; mais non pour ceux qui ignorent le sujet et le prédicat de la proposition. C’est pour cette raison, dit Boèce, qu’il y a des conceptions communes de l’esprit qui sont évidentes seulement pour ceux qui savent, comme celle-ci : les choses immatérielles n’ont pas de lieu.
Je dis donc que cette proposition : Dieu existe, est évidente de soi, car le prédicat y est identique au sujet ; Dieu, en effet, est son être même, comme on le verra plus loin. Mais comme nous ne connaissons pas l’essence de Dieu, cette proposition n’est pas évidente pour nous ; elle a besoin d’être démontrée par ce qui est mieux connu de nous, même si cela est, par nature, moins connu, à savoir par les œuvres de Dieu.
Solutions :
- Nous avons naturellement quelque connaissance générale et confuse de l’existence de Dieu, à savoir en tant que Dieu est la béatitude de l’homme ; car l’homme désire naturellement la béatitude, et ce que naturellement il désire, naturellement aussi il le connaît. Mais ce n’est pas là vraiment connaître que Dieu existe, pas plus que connaître que quelqu’un vient n’est connaître Pierre, même si c’est Pierre qui vient. En effet, beaucoup estiment que la béatitude, ce bien parfait de l’homme, consiste dans les richesses, d’autres dans les plaisirs, d’autres dans quelque autre chose.
- Il n’est pas sûr que tout homme qui entend prononcer ce mot : Dieu, l’entende d’un être tel qu’on ne puisse pas en concevoir de plus grand, puisque certains ont cru que Dieu est un corps. Mais admettons que tous donnent au mot Dieu la signification qu’on prétend, à savoir celle d’un être tel qu’on n’en puisse concevoir de plus grand : il s’ensuit que chacun pense nécessairement qu’un tel être est dans l’esprit comme appréhendé, mais nullement qu’il existe dans la réalité. Pour pouvoir tirer de là que l’être en question existe réellement, il faudrait supposer qu’il existe en réalité un être tel qu’on ne puisse pas en concevoir de plus grand, ce que refusent précisément ceux qui nient l’existence de Dieu.
- Que la vérité soit, en général, cela est évident ; mais que la vérité première soit, c’est ce qui n’est pas évident pour nous.