Anne Soupa était l’invitée des rencontres Un auteur Un livre . Elle a présenté son dernier ouvrage « Pour l’amour de Dieu ». Au printemps 2020, Anne Soupa s’est portée candidate pour être nommée archevêque de Lyon. Comprise comme « un coup médiatique », l’initiative donne lieu à une réflexion sur la place des laïcs dans l’Église. Compte rendu.
Comme Anne Soupa l’a évoqué dans son nouveau livre, « Pour l’amour de Dieu », « elle agit dans son Eglise depuis plus de 35 ans, sur le terrain, comme bibliste, théologienne, journaliste, écrivain, présidente durant 8 ans de la conférence des baptisés et présidente actuelle du comité de La journée de la jupe… Tout m’autorise à me dire capable de poser ma candidature au titre d’évêque, tout me rend légitime, or tout me l’interdit. »
Cet interdit, elle l’a bravé il y a un peu plus d’un an, le 21 mai 2020, jour de l’Ascension, en annonçant qu’elle était candidate à la charge pastorale du diocèse de Lyon (F), a rappelé Marie Cénec, pasteure et membre du comité d’ « Un auteur, un livre », un partenariat qui réunit Payot Libraire et les Églises catholique et protestante de Genève. A l’occasion du 1er anniversaire de ce qui ne pourrait être réduit à une bravade ,mais qui fut bien une décision mûrement réfléchie, Anne Soupa s’est exprimée lors la rencontre d’« Un auteur, un livre », via zoom.
En préambule, Dominique Mougeotte, co-animateur d’« Un auteur un livre », a présumé que l’évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Charles Morerod, avait certainement lu le livre de la postulante et qu’il adhérait à quelques-unes de ses revendications. Il a en effet récemment décidé de remplacer les vicariats épiscopaux par des régions diocésaines à la tête desquelles il a nommé des laïcs, des personnes non consacrées, dont des femmes, et un diacre. Quel regard portez-vous, Anne Soupa, sur cette décision par rapport à votre propre candidature diocésaine, lui a-t-il demandé.
« C’est une excellente nouvelle « , a réagi la théologienne française . « Il conviendra de rester vigilant quant à la liberté accordée à ces personnes et veiller à ce qu’elles disposent des moyens d’action qui leur seront nécessaires. C’est une prudence d’avenir. Mais aujourd’hui il faut se réjouir ».
« En ce qui concerne ma candidature, j’espère qu’elle aura permis de poser les questions de front. »
François Fontana, agent pastoral laïc de l’Eglise catholique romaine à Genève, aujourd’hui à la retraite, a désiré connaître sa position quant à la récente nomination par le pape François de Soeur Nathalie Becquart au poste de sous-secrétaire du synode des évêques. « C’est bien sûr une décision très importante dans la mesure où Sœur Nathalie Becquart a le droit de vote. Il s’agit donc d’une responsabilité effective. C’est une amorce d’une réforme de gouvernance. D’une manière plus générale je trouve que la part des religieuses est largement sous-estimée sur le terrain. Alors qu’elles font un bien considérable, elles sont très mal reconnues par les instances ecclésiastiques.
Toutefois, « il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une nomination parmi beaucoup de nominations masculines. François a ouvert une porte. Souhaitons qu’elle ne se referme pas » et que d’autres nominations féminines adviennent rapidement. Il en faut suffisamment pour qu’une culture différente puisse naître. Je souhaite que cet exemple se multiplie à l’avenir proche », lui a-t-elle répondu.
L’abbé Claude Ducarroz, prêtre et prévôt émérite de la Cathédrale de Fribourg, engagé dans la recherche et la pratique œcuméniques pour sa part a fait cette belle déclaration.
« Je suis un prêtre heureux depuis 56 ans . Je pense que l’on peut être prêtre avec les charismes de cette fonction sans être nécessairement clérical, mais avoir un esprit de service. En ce sens je souhaiterais qu’il y ait aussi des prêtres à la manière féminine, avec tout leur charisme, dans l’égalité parfaite des services, même s’ils sont exercés un peu différemment. J’ai de la peine à comprendre que l’on puisse ressentir une certaine réticence à propos de l’ordination presbytérale des femmes. Je crois que ce serait un plus. Je connais des femmes qui se sentent exclues de ce ministère uniquement parce qu’elles sont femmes. Il s’agit d’une discrimination qu’il faut vaincre et je souhaite qu’il y ait un jour, à côté d’hommes prêtres, des prêtres femmes . »
« Si tous les prêtres étaient comme vous !», lui a répondu Anne Soupa.
« Ce serait un autre monde et ce serait une autre Eglise. Vous connaissez le fossé qui existe en France entre des prêtres de votre génération et les nouveaux prêtres qui sont effectivement plus cléricaux. Il est vrai que des femmes souhaiteraient devenir prêtre. Mais pour cela, une réforme du ministère ordonné est nécessaire, en raison de son caractère sacré. Un sujet qui constitue à ce jour un véritable handicap pour l’avenir de la fonction. »
« Ne pensez-vous pas que l’arrivée de femmes contribuerait à décléricaliser le sacerdoce ministériel? », lui a alors demandé l’abbé Ducarroz. « Je compte sur elles pour nous rendre moins cléricaux », a ajouté l’abbé, membre du Groupe des Dombes.
A cela, l’aspirante évêque a laconiquement déclaré : « Il faudra alors abroger le Canon 1008 du Code de droit canonique (qui énonce que le ministère ordonné est d’institution divine [Par le sacrement de l’Ordre, d’institution divine, certains fidèles, par le caractère indélébile dont ils sont marqués, sont constitués ministres sacrés. Ils sont ainsi consacrés et députés pour servir le peuple de Dieu, chacun selon son degré, à un titre nouveau et particulier] ».
« Je voudrais que l’Eglise de demain soit une Eglise des baptisé(e)s. Une Eglise qui redonne au peuple de Dieu une place prééminente et décisionnelle active » a-t-elle conclu.
Pascal Gondrand, juin 2021
Image – Un auteur Un livre