Le 14 février c’est la fête de la Saint Valentin. L’abbé Alain René Arbez s’interroge sur les raisons qui ont conduit cette date à devenir « un logo publicitaire » sous l’égide de Cupidon ».
Valentin était un évêque romain. Il fut décapité sur ordre de l’empereur Claude en 268. Il avait osé transgresser les décisions impériales en célébrant un mariage chrétien entre Serapia et Sabin.
A l’époque se déroulait chaque printemps la fête des Lupercales, donnant l’occasion à de jeunes hommes et à de jeunes femmes de déposer leurs noms dans des urnes pour pouvoir ensuite tirer au sort les partenaires d’un jour. Ces festivités orgiaques étaient organisées sous le patronage de la déesse Junon et du dieu Pan, et les prêtres de Lupercus organisaient des fêtes délirantes.
Face à ces solennités païennes et leurs débordements, des chrétiens voulurent mettre en valeur un amour véritable entre un homme et une femme. Ils étaient à l’évidence à contre-courant de l’opinion majoritaire où tout était permis! Ils s’inspiraient de la prière de Tobie et Sara (Tb 8,4) « Nous sommes les descendants d’un peuple de saints, nous ne pouvons pas nous unir comme des païens qui ne connaissent pas Dieu ! Seigneur, tu le sais, si j’épouse cette fille d’Israël, ce n’est pas pour satisfaire mes passions. Mais seulement par désir de fonder une famille qui bénira ton nom dans la suite des siècles.. »
Serapia était chrétienne et Sabin, légionnaire romain. Ils n’étaient pas des rabat-joie complexés, mais des êtres convaincus que l’amour vraiment respectueux des personnes est fondé sur un engagement mutuel, selon les valeurs éthiques de la Parole de Dieu.
D’après la chronique, Serapia et Sabin ont alors fait appel à Valentin pour qu’il bénisse leur union basée sur un amour réciproque, sincère et définitif. Comme pour d’autres mariages semblables célébrés par l’évêque Valentin en infraction des décrets de l’empereur, ces démarches furent réprimées par le martyre. (Il faut préciser qu’une des raisons d’interdiction du mariage – outre la licence des mœurs – était qu’un soldat marié avait beaucoup moins de motivation pour partir faire la guerre).
Mais comment les opinions modernes en sont-elles arrivées à confondre le témoignage courageux de Valentin avec un Cupidon capricieux décochant ses flèches pour des partenariats sans lendemains ?
On entend souvent l’argument selon lequel l’Eglise aurait été assez habile, dans les premiers siècles, pour évangéliser des rites païens. Or, si l’on observe bien le cours des choses, c’est exactement l’inverse qui s’est produit : la Saint Valentin, initialement dédiée à une union loyale et durable, est devenue la fête des amoureux pour partenaires provisoires. Au contraire des idées reçues, la société a donc paganisé et popularisé une fête aux motivations spirituelles en occultant les dimensions éthiques qui l’accompagnaient.
C’est au XIV° siècle que la Grande Bretagne a popularisé la St Valentin pour les amoureux. Mais le promoteur de la célébration était un Vaudois établi outre-Manche, le capitaine Othon de Grandson, qui dans ses poèmes mettait en valeur les serments d’avenir que se font les véritables âmes sœurs (« Le souhait de Saint Valentin »). William Shakespeare fait mention de la St Valentin dans Hamlet : il compare poétiquement les amoureux qui échangent de doux messages avec les oiseaux qui commencent leurs approches nuptiales.
C’est cette mise en valeur de l’amour d’un couple qui aurait préparé ce qui a donné naissance au futile rituel médiatique d’aujourd’hui.
Abbé Alain René Arbez
Image: Saint Valentin de Terni, patron des amoureux mort en martyr.