La vulnérabilité ne renvoie généralement pas à une acception positive de l’existence. Or, la crise du coronavirus a rendu ce terme omniprésent dans nos sociétés peu enclines à l’aveu de faiblesse. Le professeur honoraire de médecine internationale et humanitaire, Louis Loutan, décrypte le sens de ce vocable dans le domaine de la santé.
« Avec le Covid s’est développé une crainte diffuse, insaisissable. Une incertitude, face à l’inconnu. Ces multiples niveaux de questionnements ont provoqué une crise de confiance au sein de la population », affirme le Dr. Louis Loutan. Il ajoute que « le sentiment de dépendance ressurgit, amenant par la même occasion une prise de conscience de notre propre vulnérabilité et de celle des autres ». Le professeur honoraire de médecine internationale et humanitaire s’exprimait au début mars dans le cadre d’un cycle de conférences organisé par les aumôneries des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG).
L’impératif de « bonne santé » se heurte à ce que la médecine pratique au quotidien : la science de l’incertitude. La société occidentale, plus habituée à la stabilité et à la sécurité, redécouvre douloureusement que la vulnérabilité fait partie intégrante de son statut d’être humain, comme le rappelle le Dr. Louis Loutan. « Toute l’existence humaine présente des périodes de vulnérabilité inhérentes, mais le parcours individuel peut aussi les favoriser ».
Il indique par exemple la naissance, marquée du sceau de la fragilité. Le petit de l’homme arrive au monde particulièrement « peu équipé » par rapport à d’autres mammifères. Le professeur avance que des événements tels que divorce, retraite ou grossesse sont également des facteurs y contribuant.
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Néanmoins, la définition communément admise aujourd’hui pour la qualifier semble en décalage avec le ressenti de nombre de personnes qui, même si fragilisées par le grand-âge ou des maladies chroniques, ne se considèrent pas pour autant malades. De fait, la santé est actuellement envisagée d’un point de vue de qualité de vie et de bien-être plutôt que de maladie à proprement parler.
Un groupe d’experts hollandais s’est donc penché sur la question en 2011. L’étude relève l’importance primordiale de la capacité de Coping. Cette aptitude permet à la fois de s’adapter aux variations de l’environnement, de récupérer de ces changements tout en gérant sa vie malgré une santé fragilisée.
« Lorsque ces capacités d’adaptation sont bonnes, alors les atteintes à la santé ne sont plus vues comme un amoindrissement de la qualité de vie », indique le Dr. Louis Loutan. En outre, il souligne que tout être humain est doté de ressources lui permettant de ne pas vivre son état de patient passivement. Une manière de réapprendre, peut-être, que la vulnérabilité ne véhicule pas seulement une conception négative de l’existence, mais recèle aussi sa part de sensibilité, de bienveillance et même de résilience.
Myriam Bettens, mars 2021
Photo par Marcelo Leal