Environ 250 personnes ont marché le dimanche 5 mai à Genève «pour se tenir aux côtés du peuple juif. Organisée par le Mouvement évangélique, la « Marche de vie » s’est inscrite dans une série d’étapes illustrant la mémoire des réfugiés juifs en Suisse durant la seconde guerre mondiale. L’abbé Alain René Arbez était un des intervenants lors de l’étape à l’école des Cropettes, qui abrita un camp de réfugiés durant le conflit.
« En tant que citoyens suisses, en tant que résidents en Suisse, en tant que chrétiens, ce qui s’est passé lors de ces années sombres nous interpelle, non seulement pour le passé, mais aussi pour le présent », a affirmé l’abbé Alain René Arbez à qui il avait été demandé d’évoquer la situation des réfugiés juifs en Suisse durant la seconde guerre mondiale et l’attitude des Eglises durant cette sombre période.
Dans le sillage du gouvernement suisse, « les réactions des Eglises sont frileuses », a affirmé le curé genevois.
Du côté protestant, seules quelques voix s’élèvent pour défendre les juifs persécutés, comme celles du pasteur Keller de Zurich, de l’Eglise libre dans le canton de Vaud, des pasteurs engagés mais minoritaires comme Edouard Platzhoff et Théophile Grin. Mais l’Eglise nationale reste dans la ligne des autorités fédérales, très réservées au nom de la neutralité suisse. Certains pasteurs vaudois se montrent même ouvertement antisémites comme Messieurs Clot et Gagnebin. Aussi, Le Semeur vaudois journal officiel de l’Eglise protestante écrit en 1933 : « à quoi attribuer la levée de boucliers envers les juifs ? à la puissance occulte du judaïsme qui ferait marcher tous les leviers de commande de l’opinion publique dans le monde », a rappelé le curé. Pour ce membre de la commission judéo-catholique des Evêques suisses, le comportement des autorités catholiques ne se montre pas plus avisé. « Les évêques se montrent soucieux de neutralité ». Certains évêques manifestent des sympathies pro-nazies par peur du bolchevisme. Néanmoins, deux journaux catholiques manifestent leur hostilité au nazisme, le Schweizerische Kirchenzeitung et la Semaine catholique, et des voix catholiques s’élèvent contre les persécutions, a ajouté l’orateur. En 1943, l’abbé Charles Journet est « un des rares ecclésiastiques » à inciter les croyants à secourir les hommes et femmes en détresse, mais « le seul cri officiel catholique audible et crédible c’est celui de Mgr Aloys Scheiwiler, évêque de St Gall, qui déclare en 1935 : ‘Nous devons constamment élever notre voix contre la persécution, celle des juifs en particulier, ceci non seulement par esprit humanitaire (…) mais aussi en vertu des liens étroits et des racines communes qui subsistent entre judaïsme et christianisme !’ »
Vers la fin de la guerre, les Eglises protestantes romandes émettront des réactions plus « compassionnelles envers les personnes juives pourchassées par les nazis » et c’est bien après la fin de la guerre que les évêques suisses reconnaîtront les manquements des catholiques, a remarqué l’abbé.
L’attitude des Eglises n’a pas empêché nombre de citoyens, spécialement des chrétiens du terrain, de transgresser les mesures de fermeture des frontières adoptées par les autorités, a fait valoir l’abbé Arbez. Notamment, « des ecclésiastiques, des responsables des gardes-frontières ou de police, tel Paul Grüninger, qui n’hésitèrent pas à prendre des risques pour apporter secours à des juifs. Des filières s’organisent pour le passage en Suisse, par exemple à la Cure grâce à Max et Angèle Arbez, et à Thônex, grâce au curé Descloux ».