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Soirée inaugurale d’«Il est une foi»: sous le signe de l’au-delà

Qu’y a-t-il après la mort? Le psychiatre Jacques Besson, l’anthropologue Aurélie Netz et, par Zoom, le Père Patrice Gourrier ont débattu de «La vie au-delà du corps» et des expériences de mort imminente mardi 30 avril 2024 lors de la soirée inaugurale d’«Il est une foi», les rendez-vous cinéma de l’Eglise catholique, à l’espace «Les Salons» à Genève. Des réflexions à la croisée de la science et de la foi pour ouvrir une édition consacrée à l’au-delà.

Geneviève de Simone-Cornet pour cath.ch

«Au-delà». En choisissant ce thème pour sa 9e édition, du 1er au 5 mai, le festival «Il est une foi» n’a pas hésité à aborder une question humaine fondamentale: qu’y a-t-il après la mort? «Au-delà» ou «Ultreïa», se disent les pèlerins du chemin de Saint-Jacques lorsqu’ils se croisent, comme «un encouragement à aller au-delà de soi-même. Au-delà des limites et des peurs», a constaté en introduction le journaliste Emmanuel Tagnard, qui présentait la soirée d’ouverture avec la pasteure Marie Cénec. Le public, nombreux, a été accueilli par Goeffroy de Clavière, délégué général du festival, et Fabienne Gigon, représentante de l’évêque à Genève, affirmant que «nous marchons vers cet au-delà qui est déjà présent».

Face à la mort, des réponses diverses

«Nous sommes tous égaux devant la mort» qui nous pose une «question abyssale», a relevé Emmanuel Tagnard: qu’y a-t-il après? Y a-t-il même quelque chose? Les traditions spirituelles et les religions ont apporté leur réponse: les bouddhistes parlent de réincarnation, les chrétiens de résurrection à la suite du Christ qui a vaincu la mort et nous ouvre le chemin de la vie éternelle.

«Rêve ou réalité? Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. J’ai vu un tunnel d’une blancheur aveuglante et j’ai ressenti une immense quiétude intérieure.»

Père Patrice Gourrier

La science, en l’absence de certitudes, a analysé, sondé, interrogé la mort au travers des témoignages de celles et ceux qui l’ont frôlée en vivant des expériences de mort imminente (EMI). Elle a découvert qu’elle «cacherait une clarté à l’éblouissante beauté, pleine de vie», a relevé Emmanuel Tagnard. Mais les EMI soulèvent bien des questions: «Sont-elles le fruit d’hallucinations ou est-ce une preuve de la vie après la mort? La conscience siège-t-elle dans le corps ou hors du corps?».

«Une véritable transfiguration»

Le débat a permis d’explorer ce terrain de recherche «à la croisée de la science et de la foi» avec trois invités: le psychiatre Jacques Besson, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, passionné par les rapports entre psychiatrie et religion, neurosciences et spiritualité; l’anthropologue Aurélie Netz, accompagnatrice spirituelle dans l’Eglise réformée du canton de Vaud, auteure de deux enquêtes sur le vécu spirituel contemporain; et le Père Patrice Gourrier, du diocèse de Poitiers. Psychologue clinicien et écrivain, il a fondé le mouvement spirituel Taliha Koum, «lève-toi», devenu Poitiers Méditation, qui a pour objet la recherche de la paix intérieure selon les préceptes des Pères du désert et les recherches contemporaines sur la méditation.

Selon le psychiatre Jacques Besson, les expériences de mort imminente sont une énigme pour la science | © Silvana Bassetti/ECR

Prenant la parole en premier, il a raconté l’EMI qu’il a vécue en 2000 suite à un arrêt cardiaque au bloc opératoire. «Rêve ou réalité? Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. J’ai vu un tunnel d’une blancheur aveuglante et j’ai ressenti une immense quiétude intérieure. J’avais l’impression d’avoir un corps glorieux, nimbé de lumière: j’ai vécu une véritable transfiguration.» L’expérience s’est renouvelée en 2013, aux urgences de l’hôpital; mais, aspiré vers «la lumière éclatante émanant du tunnel, j’ai dit non: je n’étais pas prêt à mourir». Enfin, après quinze jours de forte fièvre due à la Covid-19, le prêtre a vécu une troisième expérience: «Ma chambre est devenue lumineuse. J’ai alors pensé à la parole de Jésus: ‘Je suis la lumière du monde’. J’étais nimbé de cette lumière, une lumière surnaturelle».

Un changement de vie

Ces expériences ont changé sa vie – «Je suis devenu insupportable», a-t-il avoué en souriant: «J’ai revu mon échelle de valeurs. Le temps est devenu pour moi un bien précieux. Et celui qui me reste est un sursis dont je profite pour aider les autres». Elles l’ont aussi plongé dans le monde de la méditation et emmené sur un chemin d’intériorité. «Ces expériences, vécues comme des répétitions générales, m’ont aidé à approfondir ma foi. Et quand je les partage avec des personnes en fin de vie, elles partent dans une grande paix.»

«Nous sommes là à la frontière entre le matériel et l’immatériel, l’extérieur et l’intérieur.»

Jacques Besson

Laure, une quarantenaire évoquée par Aurélie Netz, a vécu deux EMI provoqués par une maladie. «Elle est sortie de son corps et a ‘baigné dans l’amour de Dieu’. La deuxième fois, elle a entendu une voix lui dire: ‘Comment as-tu aimé? Tu retourneras sur Terre, tu aimeras et tu témoigneras’. Depuis, elle a changé de vie.»

Une énigme pour la science

«Le tunnel, la lumière, la paix intérieure, le changement de vie: autant d’éléments caractéristiques des EMI. Dans certains cas, la personne sort de son corps, voit la scène et entend les paroles échangées. Elle peut aussi voir sa vie défiler devant ses yeux», a relevé le professeur Jacques Besson, qui vient de fonder l’Association pour l’exploration de la conscience (APEC). «L’électroencéphalogramme et l’électrocardiogramme sont plats, le cerveau est à l’arrêt et pourtant il a une vie psychique intense. Pourquoi? C’est une énigme pour la science. La lumière intense et apaisante pourrait s’expliquer par ‘un lâcher de ballons’: les neurones libèrent leur énergie. Il s’agit d’états de conscience modifiés qui ne relèvent pas de la psychiatrie.»

Ce qui se vérifie, c’est qu’il y a un avant et un après, que tout se reconfigure dans la vie de la personne, qui désire transmettre son expérience. «Souvent les mots manquent, a relevé Jacques Besson, car nous sommes là à la frontière entre le matériel et l’immatériel, l’extérieur et l’intérieur.»

Le journaliste Emmanuel Tagnard (à g.) introduit la thématique de la soirée durant laquelle le Père Gourrier est intervenu en visioconférence | © Silvana Bassetti/ECR

Et l’Eglise, comment réagit-elle à la parole de ceux qui ont vécu une EMI? «Par une indifférence assourdissante, a affirmé le Père Gourrier. Lorsque j’en parlais, cela n’intéressait absolument personne.» Il s’est tourné vers les mystiques – Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Maurice Zundel – «qui ont exploré des horizons que l’Eglise n’explore pas». Car il en est convaincu: «Il faut faire un pas de côté, quitter une pensée trop rationnelle pour retrouver la spiritualité cosmique des Pères de l’Eglise ou l’expérience de Zundel – ‘Dieu n’est pas une invention, mais une découverte’, ‘Ne parlez pas de Dieu, vivez-le’. Tant que l’Eglise se méfiera des EMI, le dialogue sera impossible».

Réconcilier science et foi?

Jacques Besson, lui, s’intéresse à la dimension spirituelle en psychiatrie, à une discipline qui s’est beaucoup développée ces dix dernières années: la neurothéologie ou recherche des circuits et des régions du cerveau activés par la méditation et la prière – car l’imagerie cérébrale enregistre des modifications de l’activité cérébrale chez celle ou celui qui prie ou médite. Ainsi, la neurothéologie pourrait aider à comprendre l’impact de la spiritualité sur la santé physique mentale.

«L’avenir de l’Eglise réside dans la connaissance des mystiques, non dans la réforme des structures»

Père Patrice Gourrier

«La conscience serait un filtre posé sur le réel, une fenêtre sur le visible, avance-t-il. Mais dans l’invisible, il y a aussi de l’intelligible; et le monde serait depuis toujours un océan de conscience dans lequel apparaît la réalité qui est la nôtre. Les EMI seraient une extinction corticale permettant d’accéder à cet océan, ce fond de conscience universelle, au divin dans l’homme.» Et de réfuter le modèle selon lequel le cerveau fabrique du divin, «trop petit pour loger la conscience». Il ne s’agit pas de renier la médecine mais, par une nouvelle appréhension de la conscience, d’aller vers une société post-matérialiste: «Il y a un monde plus grand, car la conscience est au centre. Et le cerveau, où tout est connecté à tout, est capable de connaître Dieu». Et de citer saint Augustin: «Les miracles ne contredisent pas la nature, mais la compréhension que nous en avons».

Aurélie Netz a évoqué l’endo-ethnologie, qui s’intéresse à la façon dont les gens donnent sens à ce qui se passe dans leur quotidien et dont ils parlent du divin; et s’interroge: en quoi cela a-t-il un impact sur leur vie? Dans cette veine, ses travaux portent actuellement sur la prière.

Un lieu où tout peut s’accomplir

Et l’au-delà? Pour le Père Gourrier, «il est déjà là. Et l’avenir de l’Eglise réside dans la connaissance des mystiques, non dans la réforme des structures». Aurélie Netz voit l’au-delà comme «un lieu où tout peut s’accomplir dans la paix et l’amour». Le mot de la fin est revenu à Jacques Besson: sur les pas de Calvin et de Teilhard de Chardin, il est convaincu que «la science permet l’émerveillement et que l’émerveillement, c’est maintenant. Je suis un disciple du Christ cosmique».

Enfin, Marie Cénec a invité chacun à vivre, durant ce festival, une expérience cinéma intense ou une expérience cinéma inoubliable (ECI). Car le cinéma peut inviter au voyage intérieur et emmener au-delà de soi.

Pour (ré)écouter la conférence :

Geneviève de Simone-Cornet pour cath.ch

 cath.ch/gdsc/mp

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