Eglises: Après cinq ans d’activité, l’équipe de l’Oasis a décidé l’interruption des activités de ce lieu d’accueil et de solidarité pour les plus démunis, dès le 30 mars et pour un temps indéterminé. Une page se tourne.
L’’annonce a été faite en deux temps : les responsables de l’Oasis, un espace oecuménique d’accueil au Temple de la Servette pour les personnes en situation de précarité à Genève, ont choisi la méthode douce pour annoncer la fermeture du lieu à partir du 30 mars et pour une période indéterminée.
A 8h30, à l’heure du café, des hommes, des femmes arrivent. La réunion du matin commence. « C’est une décision douloureuse, mais réaliste », explique Inès Calstas, responsable de la Pastorale des Milieux ouverts (PMo) de l’Église catholique romaine à Genève. Elle prend la parole, accompagnée de Marianne Extermann et Jean-Pierre Thorimbert, bénévoles de la structure ouverte il y a cinq ans pour offrir un temps de convivialité et de solidarité concrète aux plus démunis. La nouvelle ne suscite pas beaucoup de réactions parmi les dizaines de personnes qui fréquentent le lieu, ouvert tous les lundis matin. Beaucoup pensent alors à une brève suspension, comme celle de la pause estivale.
Ce jour, à 8h30, ils sont plus nombreux que d’habitude. Une cinquantaine de femmes, d’hommes et quelques jeunes enfants sont présents pour prendre part au groupe de parole organisé pour que chacun puisse s’exprimer sur le sujet. Les chaises sont disposées en cercle et les personnes prennent place. Une semaine après l’annonce, les habitués du lieu comprennent que « leur » Oasis ne va plus les accueillir comme par le passé. Mais appréhender la nouvelle est difficile et l’accepter semble impossible. Ils veulent toutes et tous sauver l’Oasis. « Qu’est-ce qu’on peut faire pour continuer ? » demande d’emblée un homme. « Pourquoi ça ne marche plus ? » s’interroge un autre. « Nous sommes une famille, nous devons trouver une solution », espère une femme. « Quand je ne peux pas venir, ça me manque de ne pas avoir mes amis », témoigne-t-elle. L’émotion est très forte.
C’est Marianne qui prend la parole: « L’Oasis s’est développée, a grandi, mais aujourd’hui les forces qui l’ont animée s’épuisent. Beaucoup de bénévoles sont partis et ils n’ont pas été remplacés. Nous sommes moins nombreux pour encadrer les tâches », dit-elle en nommant les activités qui ponctuent la vie de l’Oasis : l’accueil, le café, les échanges, les conseils, le vestiaire, la vaisselle, la cuisine, la lessive, les douches, les courses. « Et il y a des lundis où ce n’est pas facile. Notre équipe est composée de personnes d’un certain âge », souligne Marianne. Mgr Pierre Farine, bénévole de la structure, acquiesce du regard.
Alors que trois volontaires font la traduction en roumain, italien et anglais, les gens se regardent. Les mains se lèvent pour demander encore la parole. La naissance d’une nouvelle équipe est évoquée. « Il n’y a pas la possibilité d’attirer des bénévoles ? », questionne un homme. « Des bénévoles sont partis, car ils ne se sont pas sentis respectés de notre part », analyse sa voisine. « Je suis d’accord de continuer à vous aider sans être dédommagé », promet encore une personne, suivie par d’autres. À l’Oasis, les tâches de la matinée, comme la préparation du repas, de la salle, le nettoyage des lieux ou la gestion du vestiaire sont en effet assumées à tour de rôle par des personnes en situation de précarité qui fréquentent l’Oasis contre un modeste dédommagement. Mais l’équipe freine les élans. Cela ne suffit pas, car ce sont les bénévoles qui portent la responsabilité du lieu et ils ne sont pas assez nombreux. La recherche de fonds rencontre aussi des difficultés, explique Jean-Pierre Thorimbert. La matinée se poursuit, jusqu’au repas de midi partagé ensemble. On se donne rendez-vous au lundi suivant et au 30 mars pour la célébration prévue pour rendre grâce de tout ce qui a été vécu.
Mais l’actualité s’en mêle. Dans le cadre des mesures prises par les autorités politiques afin de limiter la propagation du coronavirus, l’équipe de l’Oasis est contrainte d’anticiper la fermeture du lieu. Dès lundi 16 mars, l’Oasis est fermée.
Un lieu d’accueil est alors ouvert à la maison de paroisse de Montbrillant, dans le respect des mesures de précaution et les consignes des autorités, avec le souci de ne pas abandonner les plus faibles.
L’Oasis est-elle en pause dans l’attente d’une nouvelle équipe ? Un groupe de travail pourrait voir le jour pour imaginer de nouvelles initiatives, mais pour l’heure, les portes de la grande salle au sous-sol du Temple de la Servette sont fermées et une page se tourne.
La Pastorale des Milieux ouverts, pleinement investie dans la gestion de l’Oasis depuis le début, poursuit ses activités d’accompagnement, de soutien et de conseil pour les personnes en situation de précarité, notamment au Temple de Montbrillant.
L’Oasis en bref: un lieu de SOLIDARITÉ des eglises
Née d’une collaboration entre les Églises protestante et catholique, l’aventure de l’Oasis avait vu le jour il y a cinq ans, avec l’idée de proposer un café du matin à un groupe de femmes. À l’écoute des besoins et des initiatives des bénéficiaires, l’Oasis s’est développée pour offrir aux personnes en situation de précarité un lieu de repos, de soutien et de ressourcement. Femmes, hommes et enfants de différentes origines fréquentaient ce lieu. L’Oasis était jusqu’ici animée par une personne salariée par l’Église catholique romaine, Inès Calstas, par des bénévoles et de jeunes stagiaires, alors que la paroisse protestante de la Servette mettait les locaux à disposition.
La particularité de ce lieu a toujours été l’implication des personnes en précarité dans la mise en route de projets et d’initiatives. Une pratique de bon augure pour le futur ?
Paru dans le Courrier pastoral avril 2020