Frédéric Monnin, secrétaire de la paroisse de Saint-Paul à Cologny, nous livre un témoignage de cette période inédite, avec la suspension puis la reprises des messes publiques.
Un Carême et un temps pascal que nous n’oublierons pas. Eût-il fallu que le Ciel nous impose un exercice pratique de jeûne, de prière et d’aumône, qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Nombreux sont celles et ceux dont cette idée a sans doute effleuré l’esprit.
Or il se trouve que la paroisse Saint-Paul a vécu cette période de confinement d’une manière unique en soi. Pour être parfaitement honnête, je devrais dire que ce sont quelques privilégiés, dont moi, qui ont pu réunir une immense communauté priante du 1er mars au 10 avril, à la radio et une fois à la télévision. Cette aventure radiophonique, digne d’une épopée à plus d’un titre, mériterait à elle seule une belle page, de même que celle, plus intimiste mais tout aussi passionnante, des messes diffusées en streaming sur Facebook, du soir du Jeudi Saint au 7e dimanche de Pâques. Tout de même, ce qu’on peut faire avec un smartphone, un trépied, une perche à selfie… et un Saint-Esprit qui sort de nos poumons !
Pour reconstituer quelque peu le contexte, les choses s’étaient passées ainsi : l’Equipe Pastorale, composées des frères dominicains Michel Fontaine, Zdzislaw Szmanda et Dominique Fragnière, avait pris en charge le côté sacramentel des choses, à savoir la répartition des présidences et des prédications. J’avais revêtu quant à moi, non pas une chasuble, mais plutôt une chape, du genre de celle dont mes épaules sont friandes : le côté technique et l’animation liturgique, le genre Janus, le dieu à deux visages, à la fois acteur et réalisateur. En un mot le rôle idéal pour un hyperactif…
À l’horizon de la Sainte-Trinité se profilait la reprise des messes publiques et avec elle, sa cohorte, son cortège, sa procession de mesures et contraintes. Au secrétariat de la paroisse, le plan des évêques pour l’encadrement de la reprise était devenu notre livre des heures… notre Prière du temps présent des semaines à venir. Et nous avions pris les devants – l’histoire dira que nous avons sagement fait – pour préparer l’église en vue de la reprise le 8 juin. En quelques heures, un samedi matin, le Curé, le sacristain, le secrétariat et quelques membres du Conseil de Communauté avaient fait de St-Paul (comme tant d’autres églises du pays), une annexe des HUG… « Suivez la ligne jaune ! »
Et la nouvelle tomba des lèvres du Conseiller fédéral Berset ce mercredi 20 mai : l’heureux événement aurait lieu une semaine avant terme, soit à la veille du week-end de la Pentecôte ! Reprise prématurée ? Sans douleur ? Autant dire, pensions-nous à ce moment-là, que le Corps du Christ ne pourrait être à nouveau reçu que dans une ambiance de bloc opératoire !
J’avais naturellement revêtu durant le confinement l’habit de Cantor, mais on sentit tout aussi naturellement que je n’aurais pas l’énergie nécessaire pour enfiler celui de chef de ce chantier-là. Et c’est là que la magie d’une équipe qui fonctionne opère : ma collègue Isabelle a pris le relais, avec une rare efficacité, car il s’agissait de rassembler un nombre suffisant de bénévoles pour pouvoir accueillir, accompagner et encadrer les assemblées dominicales à trois reprises chaque week-end. Par chance, la reprise a eu lieu un jeudi, et les fidèles, tout à la joie de pouvoir à nouveau célébrer, se sont pliés de bonne grâce à des gestes éprouvés pro fanum à l’extérieur du temple.
Ainsi, , de nombreux bénévoles, avec l’aide notable des scouts du Groupe Grande Ourse, mais aussi de jeunes du Service Hospitalier de l’Ordre de Malte (SHOMS) se relaient chaque week-end pour que les nouvelles habitudes deviennent peu à peu des automatismes. De même, les prêtres qui célèbrent les Eucharisties se plient-ils également aux règles strictes d’hygiène s’agissant du rituel sacramentel et de la distribution de la Sainte Communion.
N’en déplaise aux esprits chagrins, la barque de Saint-Paul vogue à nouveau, l’Église, Corps du Christ, est debout et en marche, et finalement, nous pouvons dire sans candeur que si notre monde n’est probablement pas le meilleur, tout ne va pas si mal.
Frédéric Monnin
Images: Saint-Paul
juin 2020