Le mouvement « tradwife », pour « traditional wife », ou « épouse traditionnelle » a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux ces dernières années. De quoi s’agit-il ? Qui est concerné ? Tour d’horizon.
Plusieurs jeunes femmes influenceuses prônent un retour au statut d’épouse traditionnelle sur les réseaux sociaux. Par « épouse traditionnelle » (« Trad wife »), il faut entendre une répartition des tâches domestiques calquée sur le modèle des ménagères des années 50. Le mari travaille, l’épouse tient la maison.
La Tradwife des années 50
Il ne s’agit pas d’un modèle révolutionnaire. De nombreuses femmes à l’heure actuelle n’ont pas de travail salarié, mais prennent soin des enfants et effectuent la plupart des tâches ménagères. La spécificité du mouvement « tradwife » n’est pas tant dans le modèle de vie proposé que dans la revendication clairement affichée d’une répartition « naturelle » des rôles hommes / femmes. Revendication accompagnée d’un retour esthétique des chignons bien serrés ou boucles anglaises impeccables, robes midi fleuries serrées à la taille, et tabliers ajustés.
Alena Kate Pettit est une figure de proue de ce mouvement. Youtubeuse britannique, elle a fondé la chaîne et le site « Darling Academy » sur lesquels elle explique via des tutoriels comment devenir une parfaite femme au foyer : cuisine, ménage, repassage, décoration d’intérieur, éducation des enfants… TikTok et Instagram ont aussi leurs adeptes. Que ce soit pour ou contre l’idéologie du mouvement, le retour à l’épouse traditionnelle telle qu’elle était dans les années 50 fait parler.
Estee Williams est une autre figure leader de ce mouvement. A 25 ans, cette femme américaine compte près de 61 000 abonnés sur Youtube, à qui elle explique comment devenir une épouse traditionnelle. Commencer par épouser « le bon », c’est-à-à-dire un homme dans lequel vous avez confiance. Un homme qui valorisera votre rôle de femme au foyer et ne prendra pas avantage de la situation.
Simplification des rôles
Que penser de ce mouvement et du nombre croissant d’abonnés qui le suivent ? La question se pose d’autant plus que certaines influenceuses du mouvement tradwife argumentent leurs propos par des passages de la Bible. Elles présentent leur idéologie comme une émanation de la religion chrétienne.
Pour nombre d’observateurs, l’enjeu n’est pas tant d’être « pour » ou « contre » le fait que certaines femmes puissent choisir d’être femmes au foyer ; cela, en effet, est aujourd’hui une décision qui dépend des personnes selon les états de vie, les choix familiaux etc. Le risque viendrait de la promotion que tradwife fait d’une destinée genrée et d’un modèle « naturel » d’épouse au foyer qu’il conviendrait de suivre pour s’épanouir pleinement dans sa féminité.
Les critiques ne manquent pas. Elles dénoncent la vision « réactionnaire » du mouvement ou encore le fait que les plus célèbres de ces femmes bénéficient de revenus conséquents grâce à leurs comptes sur les réseaux sociaux, et donc gèrent un business, un travail comme un autre !
Même quand il ne suscite pas l’adhésion, le phénomène tradwife peut entrainer certains couples à revoir leur propre vision de leur complémentarité, de leurs rôles respectifs, de l’ajustement des places. Une personne témoigne par exemple sur le média Aleteia : « Je ne m’identifie pas au mouvement #TradWife, mais il m’a aidée à me poser des questions pour devenir une épouse plus aimante. »
Quid de la vision catholique du rôle de la femme et de l’épouse.
Des femmes au travail pour l’Eglise
En décembre 2020, le pape François a publié Un temps pour changer. Dans cet ouvrage, le pape explique qu’en « nommant des femmes à divers postes de la hiérarchie du Vatican, (il) a souhaité qu’elles influencent « la vision et la mentalité ». Sans les cléricaliser et en « préservant leur indépendance » » (cité par Zenith). Par ces nominations, il a montré que la place des femmes était aussi dans l’influence, dans la prise de décisions à des niveaux importants ; et que cela pouvait être rémunéré dans être irrespectueux pour la nature de la femme.
Jean-Paul II, dans une Lettre aux femmes (1995) écrivait :
« Merci à toi, femme-au-travail, engagée dans tous les secteurs de la vie sociale, économique, culturelle, artistique, politique, pour ta contribution irremplaçable à l’élaboration d’une culture qui puisse allier la raison et le sentiment, à une conception de la vie toujours ouverte au sens du « mystère », à l’édification de structures économiques et politiques humainement plus riches. »
Et encore :
« Mon merci aux femmes prend donc la forme d’un appel pressant pour que tous, en particulier les États et les institutions internationales, fassent ce qu’il faut pour redonner aux femmes le plein respect de leur dignité et de leur rôle. Je ne puis m’empêcher, à ce sujet, de manifester mon admiration pour les femmes de bonne volonté qui se sont consacrées à la défense de la dignité de la condition féminine par la conquête de droits fondamentaux sur les plans social, économique et politique, et qui ont pris courageusement cette initiative en des temps où cet engagement de leur part était considéré comme un acte de transgression, un signe de manque de féminité, une manifestation d’exhibitionnisme, voire un péché! »
SD&C – ECR, avril 2024