Tous les vendredi à 12h30 à l’église du Sacré-Coeur est proposé un temps de prière du milieu du jour accompagné à la kora, une sorte de harpe à 21 cordes. “C’est une invitation à se poser pour entrer dans la prière” au rythme des sonorités de la kora, explique Armel Ayegnon, à l’origine de cette initiative.
Armel Ayegnon, 40 ans, a découvert la kora durant son adolescence en Côte d’Ivoire. Ce n’est qu’environ cinq à six ans plus tard qu’il a réellement commencé à apprendre à en jouer. Après des études en business management et en ethnomusicologie, il a soutenu en 2021 un doctorat consacré à la transmission de la kora, axé sur l’expérience du monastère de Keur Moussa, près de Dakar. Ce monastère, devenu abbaye en 1984, est renommé pour son travail musical. Armel est une véritable mine de savoir sur cet instrument et sur son rôle dans les contextes transculturels.
Ils ont conçu la version la plus aboutie de la kora à clés. Les moines de Keur Moussa auraient reçu une kora en cadeau, dans les années ‘60. “Dans un premier temps ils ont joué à la manière des griots, mais par la suite ils ont développé leur propre style et adapté l’instrument. Ils ont notamment introduit les clefs en bois et réalisé un instrument plus stable. Ils ont surtout créé un autre répertoire, une autre liturgie musicale, par une adaptation des textes, avec des petites mélodies pour les psaumes pour les offices et la prière. Ce répertoire a été diffusé dans la communauté locale, surtout religieuse”, raconte Armel Ayegnon, enseignant des religions à l’École salésienne et responsable de la pastorale jeunesse de l’Église d’Angleterre à Genève.
Traditionnellement dans plusieurs pays africains la kora est jouée par le griot, une figure plurielle: “ils sont à la fois des conteurs, des législateurs, des mémoires vivantes des communautés, des serviteurs du roi. La parole est au centre de leur activité. La kora – souligne Armel – est un instrument qui leur permet d’annoncer et de porter cette parole. La plupart d’entre eux sont musulmans et/ou animistes, les moines en ont fait un instrument pour porter la parole de Dieu lors des prières de la liturgie”.
“Les moines de Keur Moussa ont développé une véritable liturgie avec la kora, une sorte de dialectique entre les psaumes et les musiques d’ici et d’ailleurs. C’était à la suite du Concile Vatican II qui a invité les missionnaires à prendre en considération les traditions locales pour annoncer la Parole de Dieu. Le frère Dominique Catta – l’un des moines fondateurs – avait en effet observé des similitudes de sonorités entre le chant grégorien et la musique locale et a eu l’intuition de se baser sur cet instrument traditionnel, la kora mandingue, pour accompagner les prières chantées”, explique Armel Ayegnon. Au Sacré-Coeur, il propose ainsi des temps de prières autour de la psalmodie de psaumes, principalement selon les tons du monastère bénédictin de Keur Moussa, un répertoire qu’il enrichi de compositions d’ici et d’ailleurs
Armel Ayegnon est inséparable de sa kora qui l’a suivi jusqu’en Inde. Pour lui c’est bien plus qu’un instrument musical. La kora – explique-t-il – est à la fois un “témoin de la rencontre des cultures, un lieu de réconciliation de diverses croyance, un brise-glace qui crée des ponts et invite à un espace commun”, aussi entre les époques. Ce bel instrument en bois et en peau d’animal compte en effet 21 cordes, trois fois sept. “On dit qu’il en a sept pour le passé, sept pour le présent et sept pour l’avenir”,
“Pour moi jouer est une prière qui s’inscrit dans l’annonce de la bonne nouvelle, celle de l’évangile qui annonce à l’humain qu’il est béni et aimé. Et les psaumes sont des prières, les textes peuvent être violents, mais ils ont la force de nous toucher et nous dévoiler. Ils disent notre humanité”
Ainsi Amel Ayergnon conçoit le temps de prière du vendredi en pensant aux paroles d’un prêtre qui un jour lui a dit que les églises sont une sorte de panneaux stop aux cœur des agglomérations: ouvertes, elles exhortent à s’arrêter un moment pour faire place à Dieu.
Le temps du vendredi est donc “une invitation ouverte à toutes et à tous à se poser et à s’ouvrir à l’expérience de la beauté de la musique et de la Bonne Nouvelle, à s’exposer au silence, au calme et à la prière”.
Pour ne pas manquer ce rendez-vous :
Rejoignez la prière du milieu du jour accompagnée à la kora, chaque vendredi de 12h30 à 13h00 (hors vacances scolaires), à l’église du Sacré-Cœur (entrée Boulevard Georges-Favon, 25 bis). Un temps de psalmodie, de chant et de silence inspiré des traditions bénédictines de Keur Moussa et d’ailleurs.
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