Reportée en raison des restrictions sanitaires dictées par la pandémie, la Journée mondiale des pauvres a réuni le 26 mai dernier à Genève plus d’une centaine de personnes de tous horizons dans les locaux de la paroisse St-John XXIII, de la Communauté catholique anglophone de Genève. Au programme des témoignages, des ateliers de danse, de théâtre, de peinture, de prières et de jardinage, une messe et un repas partagé. Animée par la Pastorale des Milieux ouverts (PMo) de l’Eglise catholique romaine à Genève (ECR), la journée était placée sous le signe de la rencontre.
« J’ai eu la possibilité de faire un apprentissage, mais je dormais dehors, dans la rue. Je devais chercher où me doucher pour arriver propre au travail. C’était vraiment une époque très difficile », témoigne Elena*, 25 ans. « J’aimerais vous dire, si vous voyez un mendiant dans la rue, ne le jugez pas. Peut-être qu’il est comme moi. Il a juste besoin de quelqu’un qui croit en lui et lui donne une opportunité », poursuit cette mère de deux filles.
« Quand je suis arrivé à Genève j’étais un sans-abri. Je me suis retrouvé à vivre dans la rue. Je n’avais jamais connu cela. J’ai perdu toutes mes valeurs, même ma dignité », lui fait écho Amadou.
Avec courage, Elena et Amadou ont pris la parole le 26 mai dernier, jour de l’Ascension, devant des dizaines de personnes réunies à la paroisse catholique anglophone St-John-XXIII, située à proximité du Palais des Nations. Leurs témoignages ont ouvert la Journée mondiale des pauvres.
Elena et Amadou ont invité le public à changer de regard sur les pauvres. « Tout le monde est capable de faire quelque chose, tout le monde a un talent caché », a insisté Elena.
« Avec l’aide du Seigneur qui a mis dans mon chemin la Pastorale des Milieux ouverts, j’ai recommencé à croire dans mes rêves, enchaîne Amadou ; j’ai eu un contrat de travail comme concierge. J’ai récupéré ma dignité, ma famille ».
Comme Elena et Amadou, de nombreuses personnes proches de la PMo étaient présentes en ce jour de partage et de rencontre. Des hommes, des femmes et des enfants en situation de grande précarité qui participent régulièrement aux nombreuses activités proposées par cette pastorale de rue. Ils ont activement contribué à l’organisation de la journée.
« Inès Calstas, responsable de la PMo, m’a contacté pour me demander si j’étais partant pour intervenir dans l’animation de la journée », raconte l’abbé Thierry Shelling, curé modérateur de l’Unité pastorale Champel-Eaux-Vives. L’idée d’impliquer une paroisse a surgi au fil des discussions et grâce aux contacts d’Emilie Toole, anglophone engagée à la PMo, le choix de la Communauté catholique de langue anglaise s’est imposé. « C’est une façon d’ouvrir une communauté locale, une paroisse, à une autre dynamique de la diaconie », souligne le curé.
Les préparatifs de la journée, portés par le trio formé d’Ines Calstas, Emilie Toole et Julien Bulliard, lui aussi engagé au sein de la PMo, ont donné naissance à une belle collaboration avec la paroisse anglophone. « Cette rencontre est très appropriée à l’occasion de l’Ascension. Cette fête célèbre l’élévation de Jésus au ciel et c’est dès lors nous qui portons la responsabilité de faire ressentir sa présence dans le monde. Être auprès des pauvres et des sans-abris va dans ce sens », observe l’abbé Paul Friel, curé de la communauté anglophone à Genève.
David et Edna, deux bénévoles de la paroisse ont aidé à la préparation du repas. « C’est une joie pour moi de faire la cuisine et d’aider des gens dans le besoin, ce sont mes deux passions », témoigne David. Edna, fonctionnaire internationale, est heureuse de s’engager pour cette journée qui lui a permis de rencontrer des personnes qu’elle ne côtoie pas d’habitude.
« Le buffet est magnifique. C’est un jour de fête », s’exclame un paroissien en prenant place avec ses deux enfants à l’une des tables installées sur le parvis de l’église.
« Ce sont différentes Genève qui se rencontrent, je pense à la ville internationale connue partout dans le monde et à la Genève de la précarité, cachée et méconnue. C’est un jour de solidarité », souligne sa voisine.
D’autres occasions de rencontres ont été proposées l’après-midi avec de nombreux ateliers pour tous les âges : l’atelier de danse, avec Angela, danseuse au Grand-Théâtre de Genève, l’atelier artistique, avec la peintre Berna, l’atelier de théâtre, animée par Fabienne de l’association Co’errance, et l’atelier jardin, avec l’association Genève Cultive. « Les bacs de fleurs composés par les participants au cours de l’atelier seront offerts aux Unités pastorales du canton. C’est un cadeau de la PMo, un petit bout de jardin pour qu’ils pensent à nous, pour qu’ils prient pour nous. Aussi pour qu’ils sachent que nous pensons à eux et à tous les paroissiens », indique Inès Calstas.
La journée a pris fin avec une célébration animée par la chorale de la paroisse. Durant la messe, des témoignages ont traduit la joie d’avoir pris part à ces moments.
L’abbé Thierry Schelling voit la beauté de ces journées dans le fait de pénétrer dans l’expérience que nous proposent les participants. « Nous préparons tout, mais nous ne sommes jamais maître de ce que nous allons vivre. La vraie évangélisation est de proposer et de se laisser déplacer par la réalité que les personnes amènent ».
SD&C, 27 mai 2022
*prénom d’emprunt
Crédit images Journée des pauvres: ECR / Inès Calstas