Il y a le ciel, le soleil et la mer, pour paraphraser la fameuse chanson de François Deguelt (auteur, compositeur et interprète) et tant de fois reprise. Alors oui, c’est l’été et, au bord de l’eau, il n’est pas interdit de lire quelques ouvrages de qualité qui font travailler (un peu) les neurones, après s’être préalablement enduit de crème solaire.
LE GOÛT DE TRANSMETTRE
Nathalie Sarthou-Lajus (Ed. Bayard J’y crois – 108 p.)
« A différents âges de ma vie, la question de la transmission s’est posée, et j’ai su qu’il me faudrait l’aborder pas à pas, comme on décide d’explorer les recoins d’un paysage familier. » Ainsi débute cet essai de Nathalie Sarthou-Lajus, philosophe et rédactrice en cheffe adjointe de la revue jésuite, Études.
Dès lors les souvenirs remontent à la surface ; sa mère, « plongée dans une étrange contemplation face à l’armoire vide de sa chambre ». Son père, « seul sur le quai de gare alors qu’un train l’emporte. » Elle sait la joie derrière les larmes du départ. Plus tard, mère à son tour, elle expérimente cette part d’arrachement que comporte toute naissance. Elle confesse d’ailleurs que « la vie entière lui apparaît comme un enfant qui part. »
Qu’a-t-on reçu ? Qu’a-t-on transmis ? Quel fardeau ou quel trésor ? Avec quel type de sac s’en vont ces enfants qui nous tournent le dos après un dernier sourire ? Le cortège des interrogations vient alors nous hanter. Mais il est (parfois) déjà trop tard pour y répondre. Avec le souvenir, c’est autant l’oubli qui menace.
« Si notre héritage n’est précédé d’aucun testament », que nous dit-il de notre condition d’héritier ? Cette question de René Char porte en elle plus que les germes de la crise de la transmission. Dans un monde obsédé par les valeurs au détriment des vertus, par le culte du corps au lieu de celui de l’esprit, que transmettons-nous à ceux qui nous suivent ? D’autant qu’éduquer et transmettre sont deux actes qui ne se confondent pas. « L’éducation vise l’émancipation des individus par l’acquisition de connaissances et le développement des aptitudes. Transmettre c’est davantage inscrire l’être humain dans la chaîne des générations et lui signifier qu’il est un parmi d’autres. » Chacun d’entre nous reçoit un héritage de ceux qui l’ont également reçu des générations précédentes. Cette transmission, d’âge en âge, de génération en génération qui se succèdent participent à la formation de soi par l’ouverture d’un monde déjà présent.
« L’éducation vise l’émancipation des individus par l’acquisition de connaissances et le développement des aptitudes. »
Les récits d’éducation sont peu nombreux dans l’Évangile ; en outre, nous en savons encore moins sur l’éducation de Jésus. Mais les histoires de transmission abondent, de l’Annonciation à la parabole des talents ou à celle de l’enfant prodigue qui cristallise les thèmes croisés de la fraternité, de la jalousie, du sentiment d’injustice et de la relation avec le père, jusqu’à l’appel de Marie-Madeleine à diffuser la bonne nouvelle de la résurrection aux autres disciples.
Cela nous dit, précise l’autrice que « chacun est appelé à entrer dans la dynamique de la transmission, pour devenir fils ou fille, en accueillant la part d’enfance en soi comme le trésor neuf donnée en héritage.
Tout en délicatesse, Nathalie Sartou-Lajus arpente les arcanes de la transmission, ses règles liées à la foi et la ferveur l’écueil de l’attente et précise : « l’éducation demande des lieux clos qui abritent le secret mûrissement de la ferveur. La transmission nécessite des lieux ouverts où s’opèrent les passages de témoins. »
Nous sommes tous des passeurs, des transmetteurs, et si nous n’en n’avons pas assez conscience, cet ouvrage vous aidera à en trouver le chemin.