Les 29 et 30 janvier 2019 quelque 200 personnes ont participé à Fribourg à la première Université de la solidarité et de la diaconie de Suisse romande, organisée par les Services de Solidarité des vicariats et diocèses romands. Le jésuite Etienne Grieu était l’accompagnateur de cette session universitaire pas comme les autres, ouverte aux personnes en situation de précarité ou d’exclusion sociale.
L’Université de la solidarité et de la diaconie relève d’une démarche unique et exigeante. Organisée conjointement par les services «Solidarité» des diocèses et cantons de Suisse romande et le Centre catholique romand de formations en Église (CCRFE), elle s’est construite en impliquant les plus démunis dès le départ. « Ce sont eux les vrais spécialistes », explique Inès Calstas, coordinatrice du Pôle solidarité de l’Eglise catholique romaine à Genève. Ces derniers mois elle s’est rendue à Lausanne et à Fribourg pour participer aux séances de préparation de l’Université de la diaconie avec ses collègues romands, accompagnée d’Amadou Gaye et Téo Mihai.
Amadou et Téo fréquentent l’OASIS, un espace oecuménique d’accueil à Genève pour les personnes en situation de précarité ou d’exclusion sociale. Intégrés dans le groupe d’organisation de l’Université de la Diaconie, le Sénégalais et le Roumain ont participé à l’élaboration du programme, aux préparatifs de la session et par la suite à l’animation des séances et au bon déroulement des deux journées. «Cette expérience a été un vrai cadeau. Aujourd’hui j’ai confiance en moi. J’ai animé un des partages bibliques. Je n’étais pas un simple participant. J’avais des responsabilités », confie Téo. « J’avais des doutes, mais tout s’est bien passé. C’est incroyable tout ce que j’ai appris durant ces deux jours: j’ai appris que je peux me faire confiance, alors qu’avant c’était difficile », insiste ce colosse de plus de 50 ans confronté aux difficultés d’une vie précaire. « C’est la première fois que je participe à une réunion de cette ampleur. Je me suis investi et cette expérience m’a appris qu’ensemble nous pouvons réussir ». Téo est aussi ravi des rencontres qu’il a pu faire. A Fribourg, il a retrouvé des compagnons de voyage connus à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde de 2016 et de l’invitation à venir à Rome adressée par le Pape François aux personnes en situation de précarité. Une autre expérience gravée dans sa mémoire.
Amadou, arrivé en Suisse après un long séjour en Italie, connaît bien les grandes difficultés de la précarité et les blessures qu’elle inflige. « Le fait d’être dans la précarité et d’avoir été invité à participer à la préparation de quelque chose de tellement important est une reconnaissance de ma dignité et de ma valeur. La précarité est mon quotidien et lors des séances de préparation, ils avaient besoin de mon expérience. Tout le monde m’a remercié, mais c’est à moi de le faire, j‘ai reçu la confiance, j’ai eu beaucoup de contacts et même des propositions ! »
Aux antipodes d’un colloque académique, l’Université de la solidarité et de la diaconie a ouvert des temps de parole, des espaces de rencontres et de partage, d’écoute de la Parole, de prière et de célébration. Personnes en situation de précarité, agents pastoraux laïcs, diacres, prêtres, vicaires épiscopaux et évêques étaient assis sur les mêmes bancs pour « apprendre les uns des autres », comme annonçait le titre de la session et dans un beau mélange des rôles d’élèves et enseignants. Téo, Amadou, mais également Alexandre, Eric ou Olivier ont livré des incroyables leçons de vie, de détermination, témoigné d’une foi sans distances, en dépit des épreuves et des blessures.
Invité pour accompagner la session, le père Etienne Grieu, jésuite, a rappelé la centralité de la diaconie pour l’Eglise. « La solidarité fait partie à part entière de la vie de l’Eglise. Ce n’est pas une option quand il nous reste du temps ou de l’énergie. Elle est au cœur de la vie de l’Eglise. L’Eglise en a besoin ».
Pour le professeur du Centre Sèves (Paris), la Diaconie est avant tout une affaire d’expérience : les personnes qui ont connu des grandes difficultés dans leur vie ont des choses à partager, une foi à partager, des choses à dire et des questions à poser à l’Eglise. Ils ont un autre regard que le nôtre sur les autres et la vie ».
« La solidarité n’est pas une question d’éthique. La solidarité est d’abord un rendez-vous avec le Christ », a témoigné Etienne Grieu, qui a côtoyé les marginaux. Ils sont des déclencheurs dans la prise de conscience et ils nous ramènent à l’essentiel.
Les plus fragiles nous enseignent à être des suppliants, totalement présents dans notre cri à Dieu. « Jésus prend les personnes en détresse comme des modèles de croyants, en attitude de supplication. Ces personnes nous apprennent à nous en remettre à Dieu, à nous laisser toucher par Dieu », a fait valoir le jésuite.
Au terme de la session, Amadou se dit très satisfait de l’organisation et du contenu. En particulier par les partages bibliques avec les textes du récit de la guérison de l’aveugle Bartimée (Mc 10) et de la guérison du Gérasénien possédé par une « légion » de démons (Mc 5) : « j’avais l’impression qu’ils étaient écrits pour moi ». Il espère que les participants auront reçu autant que lui, « même si quelques-uns ne se sont pas trop impliqués », regrette-il.
Bien que d’origine musulmane, il a participé aux célébrations et à la Veillée de prière, avec le lavement des pieds. « Je n’’étais pas très enthousiaste, mais au moment d’accomplir ce geste j’étais bien et j’ai vu que d’autres personnes de ma communauté ont participé ».
La session a été clôturée par une messe, au terme de laquelle les deux évêques présents, Mgr Pierre Farine et Mgr Jean-Marie Lovey ont remis à l’ensemble des participants un petit livre du Nouveau Testament et un diplôme d’ambassadeur de la solidarité.
L’Université de la solidarité et de la diaconie a permis de réunir durant deux journées de formation réciproque des personnes en situation de précarité ou d’exclusion sociale, des agents pastoraux laïcs, des diacres, des prêtres, des vicaires épiscopaux, des évêques et de nombreux acteurs actifs dans la lutte contre la pauvreté.
Sous le titre « Apprenons les uns des autres » le programme a fait place aux témoignages, aux partages bibliques, aux célébrations liturgiques. De nombreux ateliers – de parole ou créatifs– ont favorisé les échanges en groupe.
Quelque 200 personnes venues de l’ensemble de la Suisse romande, dont la moitié issues du monde de la précarité, ont participé à la session. Les deux journées ont symboliquement eu lieu dans les locaux de l’Université de Fribourg, associée à la démarche avec sa Faculté de théologie.
Le père jésuite Etienne Grieu, président et professeur aux Facultés Jésuites de Paris(Centre Sèvres), était l’invité de la session.